La première rentrée scolaire de l'Algérie indépendante est intervenue dans un contexte difficile en l'absence de programmes, de moyens pédagogiques et d'enseignants possédant les compétences nécessaires. L'encadrement posait problème alors qu'on venait tout juste de sortir de la guerre de Libération nationale. Cette rentrée a eu lieu le 2 octobre 1962 malgré les difficultés rencontrées sur le terrain parce que la première République présidée par Ahmed Benbella et le premier gouvernement de l'époque (26 septembre 1962) voulaient à tout prix que les enfants de l'Algérie libre et souveraine aillent à l'école. C'était une rentrée difficile. Et c'est surtout le cycle primaire (les 6-14 ans) qui avait posé problème car pour l'enseignement moyen et secondaire, le dispositif était déjà enclenché. Abderrahmane Benhamida, moudjahid et responsable à l'époque au sein du FLN, a été le premier ministre de l'Education de l'Algérie indépendante. C'est ce qu'a affirmé, hier, à Alger, au forum d'El Moudjahid, Abdelmadjid Chikhi, directeur des Archives nationales et témoin pour avoir participé aux côtés de Mohamed Salah Yahiaoui, Cherif Mehdi, Mahfoud Smaïl et Amar Bellah aux préparatifs de cette première rentrée scolaire. « Après le retour de la stabilité politique et militaire et l'élection de la première Assemblée populaire nationale le 20 septembre 1962, il a été convenu que tous les enfants algériens devaient rentrer à l'école », dit-il. Cette décision s'est, néanmoins, heurtée à des contraintes d'encadrement et de moyens (pas de cahiers, de stylos, de livres scolaires...). En l'absence de programme national, c'est le programme français qui a été appliqué tout en l'adaptant au contexte national. « On a déchiré des pages de livres sur tout ce qui portait atteinte à la souveraineté nationale et à ses héros. A Alger, il y avait une seule académie et dans les wilayas, l'inspecteur départemental, qui était algérien, refusait les enseignants sans qualification et la nomination récente du ministre n'a pas permis de préparer la rentrée scolaire qui s'est déroulée dans la précipitation avec un programme français et en langue française. L'objectif premier était d'envoyer les enfants à l'école », explique Abdelmadjid Chikhi, précisant que « la rentrée scolaire s'est déroulée dans des conditions presque bonnes ». « Il n'était pas question de renoncer à l'islam et à la langue arabe qui sont des constantes du peuple algérien », affirme-t-il. Abderrahmane Benhamida était « très modeste, un grand nationaliste, militant engagé sur plusieurs fronts, en plus de sa responsabilité au sein du mouvement de libération nationale », témoigne Laïd Lachguar, un compagnon de lutte. « Certes, l'enseignement a commencé en français mais Benhamida a formé des commissions pour préparer des programmes nationaux et préserver la langue arabe », souligne-t-il. A l'époque coloniale, ils étaient 700 étudiants, toutes branches confondues, dans les établissements scolaires franco-musulmans à Alger, Tlemcen et Constantine. Pour Boualem Cherifi, un autre compagnon de lutte, « Benhamida portait le projet de la nation. Il est resté très peu à la tête de l'Education nationale, il a, cependant, laissé son empreinte. Il n'avait pas eu l'occasion de concrétiser son projet, mais il a légué l'esprit de ce projet à ses élèves ». Concernant la derdja, il dira que « c'est notre langue maternelle qu'il faut préserver en la réhabilitant mais elle ne saurait remplacer la langue arabe ». « La derdja à la place de l'arabe est une trahison pour les générations futures », affirme-t-il.