L'ombre de l'ancien président Blaise Campaoré, chassé en octobre 2014 par un « puissant printemps burkinabé » impulsé par un véritable raz-de-marée populaire, plane sur Ouagadougou. La thèse prend de l'épaisseur. Elle fonde l'essence du putsch mené par le général Gilbert Diendéré, impliqué dans l'assassinat de la figure emblématique burkinabé, Thomas Sankara, et assurant de longues années la responsabilité de chef d'état-major personnel et de commandant du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) décrié et voué à une pure et simple dissolution recommandée, deux jours avant le coup d'Etat, par une commission du régime de transition. Le nouvel homme fort se défend de telles accusations et justifie son coup de force par la « loi électorale qui a créé beaucoup de frustrations parmi les potentiels candidats », en référence à un nouveau code électoral controversé interdisant aux partisans de l'ancien président de concourir au prochain scrutin. Alors que le Burkina se préparait aux scrutins présidentiel et législatif du 11 octobre, les putschistes sont passés à l'assaut de la transition vidée de toute substance. Toutes les institutions ont été dissoutes. Le président intérimaire, Michel Kafando, son Premier ministre et deux autres membres du gouvernement ont été retenus en otage. Un couvre-feu nocturne a été décrété à Ouagadougou, les frontières terrestres et aériennes ont été fermées. La tension reste perceptible dans les principales provinces de Dioulasso (ouest), notamment dans la 2e ville du pays Bobo Dioulasso (ouest) et à Fada-Ngourma où les protestataires ne comptent pas lâcher prise. A Ouagadougou, endeuillée la veille par la mort par balles de 3 manifestants, un calme précaire règne. Plusieurs responsables politiques ont appelé les Burkinabè à se mobiliser dans la rue, à l'image du président du Conseil national de la transition (assemblée de transition), Cheriff Sy, appelant « le peuple à se mobiliser immédiatement contre cette forfaiture ». Sous la pression de la société civile et de la communauté internationale, le général putschiste veut rassurer sur sa volonté « d'aller rapidement aux élections » et de mener un dialogue « avec les acteurs qui sont concernés, notamment les partis politiques et les organisations de la société civile ». En signe d'apaisement, le Conseil national pour la démocratie de Diendéré a annoncé la libération du président Michel Kafando et des ministres détenus, à l'exception du Premier ministre, Isaac Zida, maintenu en « résidence surveillée ». Par-delà les luttes de sérail, cette ouverture répond aux exigences de la communauté internationale unanime à condamner le coup d'Etat qualifié par Washington de « recul démocratique ». En Afrique, le nouvel homme fort a reçu, hier, deux chefs d'Etat, le président sénégalais Macky Sall, en émissaire de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) lors du soulèvement populaire qui avait chassé du pouvoir le président Blaise, et son homologue béninois, Thomas Boni Yayi, en médiateur pour les élections présidentielle et législatives du 11 octobre. « L'objectif est de parvenir à un retour à une vie constitutionnelle normale », a déclaré le ministre béninois des Affaires étrangères, Saliou Akadiri, à la télévision nationale. Mais le « message ferme » a été délivré par le représentant spécial de l'ONU pour l'Afrique de l'Ouest, Mohamed Ibn Chambas, exigeant, lors de la rencontre avec le général Diendéré, « la reprise rapide de la transition ». Auparavant, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait demandé aux militaires burkinabè de « faire preuve de retenue et de respecter les droits de l'homme et la sécurité » de la population, tout en estimant que « les responsables de ce coup d'Etat et de ses conséquences devaient rendre des comptes ». La menace de sanctions est brandie par les 15 du Conseil de sécurité et les Etats-Unis décidés à réévaluer l'aide en l'absence d'un règlement pacifique de la crise. « Nous appelons les responsables à relâcher immédiatement ceux qui sont détenus, à déposer les armes, à respecter les droits des civils (...) et à remettre le Burkina Faso dans la voie de l'élection présidentielle en octobre », a indiqué, dans un communiqué, Susan Rice, conseillère à la sécurité nationale du président Barack Obama.