Alors que la guerre est portée sur le sol français, en mettant à contribution l'émigration algérienne, le 5 octobre, Maurice Papon, préfet de police de Paris, instaure un couvre-feu et demande aux travailleurs algériens de ne plus circuler de nuit dans la capitale. Il autorise aussi l'interpellation de tout musulman de jour comme de nuit. Il ne fallait pas plus pour faire réagir les responsables FLN de la Fédération de France qui décident, pour protester contre ce couvre-feu discriminatoire, d'appeler les Algériens de la région parisienne à manifester pacifiquement, avec femmes et enfants. Le 17 octobre, un dimanche à 20h30, les Algériens sont sur les Champs-Elysées. Cette manifestation nocturne, qui intervient en pleines négociations avec le gouvernement français, se tient à deux pas de l'Elysée et de l'Assemblée nationale française. Selon les historiens, Papon était couvert, il a eu carte blanche de la part du général de Gaulle. Il l'autorisa à interdire la manifestation et la « disperser par tous les moyens ». Les Algériens bravèrent cette interdiction et convergèrent de toutes parts des banlieues ouvrières, vers le centre de la capitale, encadrés par les militants du FLN. Les policiers ripostent d'une manière impitoyable, c'est la grande répression. Le drame. Place à la bastonnade. Des milliers d'Algériens sont embarqués vers les commissariats. D'autres sont jetés dans la Seine. La manifestation est violemment réprimée, des centaines de morts selon les témoignages, au moment où les services de Papon ne parlaient que de trois morts. Les manifestants étaient mis dans des centres de détention préparés à cet effet, à l'instar du Palais des sports, du stade Coubertin, du Parc des expositions, où ils vont subir les pires sévices. Répression cachée et occultée Bien que la Révolution algérienne ait réussi, au regard de la justesse de sa cause, à rassembler autour d'elle beaucoup de personnalités, comme ayant activé au sein des réseaux de soutien, les manifestations du 17 octobre ont néanmoins mobilisé davantage de Français contre la politique de la terre brûlée du général de Gaule. En effet, dans les mois qui suivent cette tragédie, et à la veille de la signature des accords d'Evian, le 8 février 1962, plus exactement, une manifestation des partis de gauche est organisée à Paris contre la Guerre d'Algérie et les attentats de l'OAS. Elle se termine par la charge de la police et la mort tragique de sept manifestants au métro Charonne. L'ampleur de cette répression sera longtemps cachée à l'opinion publique. Des cinéastes ont eux aussi essayé clandestinement une reconstitution des événements mais ces derniers sont mis sous le boisseau en raison de la censure. Le film « Octobre à Paris » ne sera projeté au public qu'en 2011. Mais à partir des années 1980, des historiens vont commencer à s'y intéresser de près. Avec les procès intentés à Maurice Papon, au regard de son rôle dans le gouvernement de Vichy, les événements du 17 octobre vont refaire surface. D'autres procès intentés contre Papon vont encore lever le voile sur ces événements qu'on a longtemps essayé d'occulter. En février 1999, lors d'un procès contre l'historien Jean-Luc Einaudi, le tribunal déboute l'ancien préfet et reconnaît que la répression policière du 17 octobre peut être qualifiée de massacre. C'est au tour du gouvernement français de concéder un geste, quelques mois plus tard ; le Premier ministre Jospin se déclare favorable à l'accès aux archives sur les événements. Parallèlement, des militants demandent la reconnaissance du 17 octobre 1961 comme crime contre l'humanité commis par l'Etat. Deux ans plus tard, le conseil municipal de Paris fait poser une plaque commémorative sur le pont Saint-Michel « à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961 ». L'Algérie avait — pour rendre hommage au sacrifice de l'émigration algérienne pour l'indépendance du pays — institué cette date, depuis 1968, en journée nationale de l'émigration.