En prévision du sommet UE-Afrique de La Valette Programmé au printemps dernier, au lendemain d'un terrible naufrage qui a coûté la vie à 800 migrants transportés par un chalutier à partir de la Libye, ce sommet revêt une dimension triple, à la fois politique, économique et humanitaire. Malte et sa capitale, La Valette, vont accueillir les 11 et 12 novembre, une importante réunion qui regroupera une soixantaine de dirigeants des deux continents européen et africain consacrée à la problématique des migrants. Après leur intervention pressante auprès de la Turquie pour freiner les vagues de réfugiés, les Européens entendent également faire pression sur les pays africains pour obtenir leur «coopération volontaire» dans la mise en oeuvre d'une politique de renvoi des immigrés illégaux. Outre les délégations ministérielles, Malte va donc accueillir plusieurs chefs d'Etat, dans une conférence qui ambitionne de s'attaquer «aux causes profondes» qui motivent un nombre croissant d'Africains à tenter l'aventure périlleuse de l' enracinement en Europe, beaucoup n'hésitant pas à risquer leur vie lors de la traversée de la Méditerranée sur des embarcations de fortune. Programmé au printemps dernier, au lendemain d'un terrible naufrage qui a coûté la vie à 800 migrants transportés par un chalutier à partir de la Libye, ce sommet revêt une dimension triple, à la fois politique, économique et humanitaire, surtout que la situation libyenne continue à susciter des préoccupations et des inquiétudes majeures au sein de l'Union européenne. La Libye est en effet le point de transit des migrations africaines qui y abordent massivement dans la Méditerranée. Alors que tous les regards étaient braqués sur les Balkans, où affluent sans cesse des dizaines de milliers de réfugiés syriens, les Européens découvrent effarés que le flux côté africain s'est également intensifié, malgré le fait que seuls les Erythréens sont admis à faire valoir leur statut de réfugiés politiques. Si les Erythréens comptent parmi les plus nombreux, l'UE a cependant enregistré l'afflux de 18.000 Nigérians et 8000 Soudanais sur un total de 140.000 migrants pour la seule année en cours. A cela, il convient d'ajouter un nombre d'irréguliers entrés en Europe avec des visas touristiques en bonne et due forme pour s'y installer durablement. L'attention consacrée par plusieurs pays européens et, surtout, par l'Allemagne aux réfugiés syriens a généré la peur de plusieurs pays africains qui redoutent de faire les frais d'une politique coercitive en matière de droit d'asile. C'est ce qui a poussé certains dirigeants à réagir en lançant un avertissement sans frais à Bruxelles, comme ce fut le cas, voici peu, du ministre sénégalais de l'Intégration africaine qui a déclaré: «Nous ne pouvons pas tolérer les deux poids, deux mesures» alors que «nos enfants souffrent sur ces routes et y laissent leur vie (et que) nous vivons très mal ces drames». En théorie, la rencontre de Malte doit permettre l'adoption d'un programme d'action pour 2016, des aides financières devant être accordées par l'UE en échange de la récupération par chaque pays de son quota d'immigrés illégaux. Ces plans dits de «réinsertion» avaient déjà été tentés à plusieurs reprises au cours des deux décennies écoulées, sans grand résultat. Mais l'essentiel n'est-il pas pour l'UE d'alléger le fardeau au moment où elle doit consentir une aide de plus de 3 milliards d'euros à la Turquie afin qu'elle verrouille les accès à ses frontières dans les Balkans? Autre argument en faveur d'une tiédeur à peine masquée des pays africains, les revenus que fournissent les diasporas, une fois installées en Europe, sont de loin supérieurs aux sommes allouées au titre du programme de réinsertion ou même des aides au développement octroyées par l'UE. La plupart des pays africains vont même plus loin, en demandant à l'Europe de relancer la mécanique de l'immigration légale avec la négociation de quotas annuels de travailleurs destinés au marché de l'emploi des pays membres. Une aspiration que plusieurs pays dont la France et la Grande-Bretagne qualifient d'insensée. Ultime solution mise en route, la lancée prochaine d'un fonds fiduciaire pour l'Afrique doté de 1,8 milliard d'euros, en attendant la contribution des pays membres qui devrait doubler la mise, du moins en théorie. Car là aussi, l'enthousiasme n'est pas de la partie et si l'UE multiplie les promesses tous azimuts, les engagements des capitales demeurent, quant à eux, des voeux pieux.