« C'est le début d'une nouvelle ère. Je serai le champion le plus charismatique depuis Mohamed Ali », a promis le 7e champion des lourds britannique de l'histoire. Jusqu'à samedi soir, ce genre de fanfaronnades ne récoltait que des sourires sceptiques : Fury est une tête brûlée et une grande gueule, capable d'arriver déguisé en Batman à une conférence de presse, de déverser sur ses adversaires des tombereaux d'insanités (Klitschko a « autant de charisme que mon slip ! ») et de revendiquer bruyamment ses origines de Gitan irlandais pour justifier sa soif de bagarre, tout en clamant son amour du « Sauveur Jésus Christ ». Mais à Düsseldorf, les ricanements narquois se sont transformés en « Ooooh ! » incrédules : à 27 ans, le géant de Manchester (2,06 m) a déboulonné le monument ukrainien, quasi quadragénaire. Avec un verdict unanime des juges, il a réussi là où 64 prédécesseurs avaient échoué (dont 54 avant la limite). Et a créé l'une des plus grandes surprises de l'histoire de la boxe depuis la victoire de Buster Douglas en 1990 sur un Mike Tyson jusque-là invincible. Sang neuf Un clown - sympathique ou agaçant, selon les points de vue - qui fait le show hors du ring mais est capable de gagner un titre mondial : du pain bénit pour la boxe, à la recherche désespérée de nouvelles stars. « C'est la meilleure chose qui soit arrivée à la catégorie des lourds depuis des années : du sang neuf et un personnage », a tweeté l'ex-champion du monde anglais des lourds David Haye, qui a annoncé mardi dernier son retour à 35 ans, après plus de trois ans d'absence. Pas rancunier, Haye : par le passé, Fury a dit de lui qu'il était « une starlette sans aucune classe, une diva » ! « J'ai toujours su que je pouvais gagner ce combat », a lancé samedi soir le nouveau roi, invaincu en 25 combats dont 18 avant la limite. Pour preuve, selon la presse anglaise, il avait parié 200.000 livres (283.000 euros) sur sa propre victoire, qui lui en a rapporté le double. Durant douze reprises, Fury a parfaitement géré sa première chance mondiale et prouvé, comme il l'avait prédit, qu'il avait bien ciblé les failles dans le style robotisé de l'Ukrainien. « Il était incroyablement agile, je n'ai pas pu porter mes coups et n'ai pas trouvé la clé », a admis Klitschko. De fait, Fury s'appuie sur une mobilité étonnante pour cette tour massive de 112 kg. Fini, Klitschko ? S'il est doté d'un lourd punch, le Britannique n'a pas une palette de coups à présenter dans les écoles de boxe. Il est même parfois rattrapé par son passé de bagarreur en usant de coups derrière la tête. Un bagarreur toutefois fleur bleue : après sa victoire, il a pris le micro sur le ring pour entonner une chanson d'Aerosmith dédiée à sa femme Paris, qui lui avait annoncé la veille qu'elle était enceinte de leur troisième enfant. Et maintenant ? Fury devra éviter de tomber dans les mêmes travers que Buster Douglas, qui avait sombré dans l'obésité puis l'anonymat. Contractuellement, Klitschko a droit à une revanche. « Le combattant est toujours vivant en moi », a juré l'Ukrainien, le visage tuméfié après la 4e défaite de sa carrière. David Haye est sceptique : « Klitschko ne disputera jamais cette revanche. Il est complètement fini ». Autre option pour Fury : ajouter la ceinture WBC, jugée « la plus importante » par l'illustre Lennox Lewis, autre ex-champion du monde des lourds anglais, spectateur à Düsseldorf. Le détenteur de cette ceinture, Deontay Wilder, a déjà pris date : « Je te surveille Tyson Fury, je vais te défier », a tweeté l'Américain, auquel Fury a répliqué : « Si Wilder veut une unification, il va devoir attendre, car Klitschko a droit à un deuxième round... Ding, ding, ding ! »