L'EHS Fernane-Hanafi de Tizi Ouzou, en collaboration avec le CHU Nédir-Mohamed , a organisé, jeudi dernier, une journée d'étude sur la psychiatrie avec pour thème « Conduite addictive : psychopathologie et perspectives de prise en charge ». L'occasion pour les conférenciers, venus des quatre coins du pays, de débattre de la toxicomanie qui fait de plus de dégâts parmi les jeunes. Tous se sont accordés à dire qu'il y a urgence à prendre en charge sérieusement le phénomène d'addiction aux drogues. Comme le soulignera le Pr Abbès Ziri dans sa communication, la morbi-mortalité liée à ces substances parmi les adolescents est devenue une pandémie mondiale. Et de préciser que 3 à 5% de la population mondiale consomme de la drogue, et les adolescents âgés de 18 à 25 sont les plus vulnérables, avec un taux plus élevé pour la consommation hors prescription médicale, particulièrement les médicaments antidouleur et les stimulants. Ce qui constitue une préoccupation et un problème de santé publique à travers le monde. Pour lui, cette consommation constitue un lourd fardeau financier. « On estime qu'il faudrait entre 200 et 250 milliards de dollars (0,3 à 0, 4% du PIB mondial) pour couvrir les coûts liés au traitement de la toxicomanie dans le monde. Les coûts de la criminalité liée à la drogue sont également importants. Il ressort d'une étude britannique que les coûts liés à cette criminalité représentent 1,6% du PIB, soit 90% de l'ensemble des coûts économiques et sociaux liés à la toxicomanie », relève-t-il. Pour ce qui est de l'Algérie, le Pr Ziri a indiqué que l'irruption de ce phénomène est relativement récente. Un fléau qui constitue, néanmoins, une préoccupation majeure des pouvoirs publics, des éducateurs, des professionnels de la santé, des parents et du mouvement associatif. Il étayera ses propos par une enquête sur la toxicomanie effectuée en 2010 dans 10 wilayas, qui a révélé que 37,7% des étudiants ont déjà consommé de la drogue. La communication du Pr Ziri a porté sur une enquête menée en milieu universitaire, plus précisément au niveau de l'Université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou (UMMTO). L'enquête a été menée par une équipe de médecins en épidémiologie et en psychiatrie sur un échantillon d'étudiants à l'effet de mesurer la prévalence de la toxicomanie chez l'étudiant à Tizi Ouzou. Un échantillon d'étudiants calculé sur la base d'une prévalence estimée par les résultats d'une enquête algérienne réalisée en 2009. Ainsi, pas moins de 1.172 étudiants sur les 55.000 que compte l'UMMTO ont été fait l'objet d'un questionnaire, soit un taux de 2,1%. Les sujets ont eu à remplir en toute liberté le questionnaire établi sur la base de celui de l'ONU-drogue. Il en ressort un taux de prévalence de la consommation de drogue (une ou plusieurs substances psycho-actives) de 9% des sujets interrogés. La consommation spécifique par sexe est de 73,3% pour le sexe masculin et 6,7% pour le sexe féminin. La motivation personnelle représente le plus grand pourcentage (49%) alors que par rapport à l'influence du groupe et des amis, elle est de 15% chez le sexe masculin et 9% chez le sexe féminin. Les 19-24 ans, les plus touchés Les étudiants, des deux sexes, âgés de 19 à 24 ans, sont les plus grands consommateurs avec 58,3%. Avec une tendance plus importante pour le cannabis qui constitue le second produit le plus consommé dans le monde après les psychotropes. Il existe sous trois formes : herbe (marijuana, kif), résine (haschisch) et huile. Il est soit fumé ou ingéré. En effet, 7,4% des étudiants se droguent et consomment du cannabis dont 91,4% sont de sexe masculin 8,6% de sexe féminin. La tranche d'âge la plus touchée est celle de 19-24 ans avec 58,3%. Toujours selon la même source, 7,4% des étudiants ont consommé au moins une fois du cannabis dont 94,5% des consommateurs déclarent avoir consommé du cannabis durant les 12 derniers mois précédant l'enquête et 38,5% ont une consommation régulière alors que pour 5,5%, elle l'est quotidienne. Tandis que seulement 1,8% d'étudiants consomment de la cocaïne dont 88,9% de sexe masculin et 11,1% de sexe féminin. Il reste que, selon cette enquête, ce sont le prix et la rareté sur le marché de la cocaïne qui constituent un obstacle à sa consommation. Malgré cela, 44,4% l'ont consommée durant les 12 derniers mois et 38,5% l'ont été de un à 5 jours au cours des 30 derniers jours. S'agissant de psychotropes, l'enquête a révélé que 1,4% ont pris du Nozinan et du Largatctil dont 28% des consommateurs réguliers, 1% de l'opium et 0,6% de l'héroïne. Il en ressort une prévalence de 3,5% dont 11,7% ont consommé au moins durant 6 à 19 jours dans le mois précédant l'enquête des substances volatiles (colles, gaz butane). Cette enquête met en exergue le fait qu'il y a danger sur la jeunesse algérienne. En effet, les résultats préliminaires ont montré que la consommation des substances psycho-actives est une réalité avec un taux de prévalence de consommation des drogues chez les étudiants de Tizi Ouzou qui est nettement supérieur au taux retrouvé au niveau mondial (3 à 5%) et dans l'enquête nationale en 2010 (1,15%). Alors que la consommation du cannabis (7,4%) est inférieure au taux mondial de 39,6% des étudiants qui en ont consommé au moins une fois. Enfin, cette équipe s'est aussi penchée sur la consommation de l'alcool et du tabac en milieu universitaire à Tizi Ouzou. Ainsi pour l'alcool, il ressort que la prévalence est de 19,8% alors que pour le tabac, elle l'est de 26,1%. C'est le sexe masculin qui est le plus enclin à ces addictions avec respectivement 45 et 83,1% alors que les filles sont 4,2% et 16,%. Pour conclure, les enquêteurs n'ont pas manqué de tirer la sonnette d'alarme tant, pour eux, « la présence de nombreux facteurs de risque sur les plans démographique, économique et socioculturel pourraient aggraver davantage ce phénomène dans une société en pleine mutation et vivant des crises multiples depuis plusieurs années ». Et de conclure : « Il est donc intéressant de se pencher sur l'étude de ce fléau à travers la répétition d'enquêtes de prévalence sur plusieurs régions afin de proposer des méthodes de prévention. »