Photo : Mahdi I. Qu'est-ce qui peut faire sortir des foules nombreuses de jeunes dans les rues pour crier leur colère ? Comment justifier une violence déversée çà et là, sans tenir compte de l'intérêt général du pays ? Quel rôle peuvent jouer les partis politiques pour contenir une jeunesse ayant pour seul mot d'ordre « casser pour casser » ? Moult questions s'imposent aujourd'hui après avoir vécu au rythme de ces émeutes tragiques et tristes et dont les retombées se font encore sentir après que des écoles, des édifices publics et privés, des enseignes de magasins soient saccagés. Le RND par la voix de M. Chiheb Seddik, membre du bureau national et vice-président de l'APN, estime que dans de tels mouvements populaires, quelle que soit leur ampleur, « il faut tirer les enseignements ». Il reconnaît, effectivement, que la classe politique est sérieusement interpellée aujourd'hui plus qu'hier. Les « signaux » arrivaient bien avant l'intervention de ces événements de la société aux partis politiques, à commencer par le problème des haraga, du chômage… et cela s'est terminé malheureusement par cet « embrasement général », dira Chiheb qui reconnaît cependant que l'Etat a fait énormément de choses. Mais est-ce que cela est suffisant lorsque on a toujours le sentiment de la mal-vie ? Telle est la question qu'il faut poser, d'après lui, dans le but de mettre en confiance cette jeunesse éprise de paix et de stabilité. Les partis ont-ils donc failli à leur mission ? « Non, cela est faux », et ce n'est pas « pour se dédouaner », estime-t-il. L'important serait de reconnaître ce qui a de négatif pour avancer, en réclamant des réformes profondes en vue de rectifier la démarche, car « les fruits de tous les efforts fournis jusque-là ne seront pas perceptibles dans l'immédiat ». Comment expliquer maintenant le phénomène de la violence chez les jeunes ? Chiheb Seddik considère qu'il s'agit-là d'un autre problème qu'on peut expliquer par une situation peu reluisante dont souffrent des jeunes livrés à eux-mêmes. « L'oisiveté est mère de tous les vices », lance-t-il en reconnaissant, effectivement, que « notre société n'arrive plus à se projeter dans l'avenir ». La violence constitue « la conjugaison d'un certain nombre de facteurs », dira notre interlocuteur contacté hier par téléphone, en rappelant à cet effet « que le RND n'a jamais été partisan de la politique folklorique ». Il faudrait, d'après Chiheb, éviter « les raccourcis » en travaillant inlassablement pour combler tous les vides. Le membre du bureau national du RND est convaincu que « le message a été cette fois-ci perçu et bien compris par les pouvoirs publics, qui devront procéder par des actions profondes parce que la crise est latente. » M. Kassa Aïssi, membre du bureau politique du FLN, en charge de la communication, affirme qu'il est dans l'incapacité d'avoir « une réponse toute prête » concernant les raisons de ces émeutes, mais il reconnaît qu'il s'agit d'une question « complexe » liée à plusieurs facteurs, sinon, s'interroge-t-il, « qu'est-ce qui motive d'incendier plus de 43 écoles ? ». Il reconnaît néanmoins que « les partis politique n'encadrent pas la société et les jeunes » et il existe un « décalage » qu'il va falloir combler, dira-t-il, puisque la seule expression populaire dans sa relation avec les formations est réduite au vote. Aïssi indique que le dialogue avec les jeunes est devenu très difficile, mais la priorité de l'heure serait d'abord, selon lui, d'arrêter les émeutes, d'assurer la sécurité des biens publics en offrant un cadre de dialogue à cette frange sensible de la société. Sans prétendre avoir des formules toutes prêtes, notre interlocuteur rappelle l'état d'urgence exigée par une situation sécuritaire et dont les séquelles sont aussi subies par les partis politiques. Cela n'explique, en aucun cas, cette violence, dira-t-il, même s'il déplore certains phénomènes, comme les passe-droits, les pots-de-vin, la hogra, constituant un engrenage qui n'en finit pas. Le FLN entame, à cet effet, de nombreuses sorties sur le terrain en vue de s'enquérir de la situation, en tentant de collecter des informations vérifiées sur les événements, puisque Aïssi remet en cause même les données livrées par certains élus. Du côté du MSP, M. Mokri, vice-président, rejette catégoriquement l'idée que les partis politiques aient failli dans leur action vis-à-vis des jeunes, et le doigt doit être pointé vers les véritables responsables, en l'absence, explique-t-il « d'une politique claire qui affecte des marges de manœuvre pour les formations en quête d'abord d'une alternance au pouvoir ». Concernant la violence, le MSP estime qu'elle ne peut qu'être condamnée, soulignant dans la foulée que les problèmes d'ordre économique, comme le chômage et autres, font émerger une jeunesse qui peut être une bombe à retardement. Il faudrait que la société civile, dira-t-il, joue le jeu en vue d'éviter de tels scénarios à l'avenir.