De notre envoyée spéciale : Nouria Bourihane C'est en dépassant le carrefour menant vers Zelfana et ses hammams aux mille et une vertus, et de l'autre côté de la route, vers les belles régions de Sebseb et Mansourah, qu'on quitte la vallée du M'zab, ses ksour millénaires et ses parfums suaves. 50 kilomètres plus loin, ce sont carrément les couleurs rougeâtre et jaunâtre du grand désert qui s'étalent à perte de vue. La route qui mène vers El Ménéa (ex-El Goléa), longue de 270 km, offre d'autres paysages aux touristes, dressés de part et d'autre de cette longue perspective. Des tableaux dignes des grands maîtres. Hormis les camions de gros tonnage qui traversent cette route de jour comme de nuit, aucun projet d'investissement n'est implanté sur ce tronçon d'une importance capitale. Même les rares villages, à l'instar d'Aïn Lousin, donnent l'impression de n'abriter aucune âme. Il faut l'émergence de Hassi Lafhel, qui se caractérise par ses palmiers, sa verdure exubérante, ses terres fertiles, pour se rendre à l'évidence. Ce village est facilement reconnaissable depuis l'installation de nombreux investisseurs agricoles qui l'ont sorti de l'anonymat. El Ménéa est loin d'être une cité morte. Décrite comme « ville de l'eau abondante » ou encore « belle corbeille de fruits et légumes », cette ville, érigée en wilaya déléguée lors du dernier découpage administratif, mérite bien son nouveau statut. Les palmeraies à perte de vue ne font que s'étaler, l'eau douce et fraîche continue d'attirer et son histoire ancienne et riche suscite encore la curiosité. La descente avec ses virages en lacet menant à El Ménéa est une occasion propice pour pour immortaliser la vue de cette ville. Une fois arrivé sur place, il y a lieu de visiter le vieux ksar, dressé sur une colline comme pour dominer le territoire avoisinant et surveiller les alentours. D'ailleurs, le nom de cette ville est inspiré de ce monument « El qalaâ El Ménéa » (le ksar protégé) aux six remparts. Précédemment, cette citadelle portait le nom de « Taourirt » (colline), un nom attribué par la tribu berbère des Zenatas, qui l'avait édifiée. Ancienne ville, histoire riche Comme dans toutes les anciennes villes d'Algérie et particulièrement celles du Sud, ce monument est aussi entouré d'une légende, celle de « M'barka bent El Khass », une belle héroïne dont le destin est transmis de génération en génération. Outre la maison, cet édifice compte aussi un puits de 40 mètres, des tunnels et des salles de prière. Bâti au VIe siècle, l'édifice a été transformé en fort de transmission durant la colonisation française. Classée patrimoine national, cette citadelle est aujourd'hui abandonnée faute de structure chargée de sa gestion. Les murs extérieurs et intérieurs commencent à s'effriter depuis la dernière opération de restauration menée sur cet édifice. Sans gardiennage ni guide, l'édifice subit aussi le pillage d'importantes quantités d'argile, ce qui le l'expose aux affaissements. L'unique musée national des régions du Sud se trouve à El El Ménéa. L'importante collection d'objets et de pièces archéologiques, géologiques, paléontologiques et préhistoriques est le fruit du travail minutieux du père René le Clair, qui s'est installé en Algérie en 1958. Le musée, dans sa forme actuelle, a été ouvert en 1997 et classé musée national du Sud en 2011. C'est là qu'on découvre les différentes étapes du développement de l'homme, les moyens qu'il utilisait, les effets des changements climatiques sur les plantes. Des fragments d'os de dinosaures, de crocodiles et de poissons datant de 90 à 150 millions d'années y sont exposés. Le musée compte également un espace consacré aux traditions vestimentaires et alimentaires de la région. Absence d'une structure de préservation du patrimoine L'église du père Charles Foucauld est l'un des plus importants endroits à visiter. La tombe de cet officier français, devenu religieux qui a vécu dans plusieurs régions du Sud algérien, a été transférée en 1925 à El Ménéa depuis Tamanrasset. Elle se trouve dans le cimetière situé à côté de l'église où sont conservés des documents retraçant la vie et le parcours de ce personnage. Pour les amoureux de la nature, il y trouve le lac salé ou « chott » d'une beauté splendide. Zone humide constituée par les rejets des eaux de l'irrigation, ce lac est l'endroit privilégié des touristes qui viennent pour se reposer et observer le mouvement gracieux des oiseaux migrateurs qui y font escale. La présence du flamant rose est un spectacle qui émerveille les regards. Plus surprenant encore est la présence du flamant noir, rarement observé dans le monde. D'autres espèces comme les canards viennent pour y nidifier. Seule ombre noire au tableau : le poste d'observation a été saccagé. Les fermes et palmeraies d'El Ménéa sont des lieux très prisés par les visiteurs. La tenue en 1930 du premier congrès de la rose a contribué à la promotion touristique de cette ville. Cet évènement a apporté la preuve de la possibilité de cultiver toutes sortes de plantes : céréales, roses aux parfums et aux couleurs uniques, agrumes, maïs, menthe et même de l'aliment de bétail. Pas besoin de parler des dattes puisque la région arrive à concurrencer les villes réputées pour l'abondance et la qualité de leur production. Les expériences menées pour développer l'élevage, produire du lait et de l'aliment de bétail est une véritable réussite. La ville d'El Ménéa n'est pas riche en infrastructures hôtelières. Le recul de l'activité touristique depuis la décennie noire est un facteur qui n'a pas permis à ce secteur de connaître l'essor qu'il mérite. L'hôtel El Boustane est fermé en prévision de sa rénovation. Les deux autres hôtels privés, totalisant 70 lits, sont encore ouverts. Par contre, la formule « vivre chez l'habitant » a été une expérience réussie dans cette région. « C'est la formule idoine pour les régions du Sud. Cela permet aux touristes de connaître la culture locale et surtout de s'intégrer », souligne Nourredine Garbati, artisan de la région. Il ne faut pas oublier non plus l'aura spirituelle d'El Goléa. Le regroupement en plein air des fidèles venus des villes avoisinantes durant les cérémonies religieuses couvre cette oasis d'un drap blanc. La ville aux 44 saints exerce toujours le même attrait sur les hommes.