Le professeur Kamel Bouzid, qui officie à l'EHS Centre Pierre et Marie Curie de Bejaia, a dressé, dans une conférence, le tableau du cancer coloretal qui est parmi les premières causes de mortalité tant chez l'homme que la femme en Algérie. Il évalue sa prévalence à 25.000 cas pour 100.000 habitants, soit quelque 6.000 nouveau cas annuellement, avec une progression d'environ 1.000 cas par an depuis 2004, relevant toutefois qu'il existe des disparités régionales. Il met cette augmentation des cancers colorectaux sur le compte des changements nutritionnels qui ont affecté la société algérienne, outre les cas dus à des prédispositions génétiques. Le conférencier déplore le fait que les cancers colorectaux ne soient dépistés qu'à un stade tardif, dont 30% en urgence, ce qui réduit considérablement le pronostic de vie de ces patients. Analysant les facteurs contribuant à ce retard dans le dépistage, le Pr Kamel Bouzid accable autant le patient qui banalise souvent les symptômes ou s'entoure de fausse pudeur, qu'au médecin qui pèche par le manque de rigueur dans l'examen du patient, et aux structures médicales spécialisées qui souffrent également d'insuffisances ou de contraintes matérielles et humaines. La prévention primaire, mettant l'accent sur la nécessité d'un régime alimentaire plus sain, et le dépistage individuel pour les familles à risque sont, pour le conférencier, les points clés sur lesquels intervenir. Néanmoins, il plaide pour la mise en place d'une stratégie de dépistage de masse, faisant un comparatif entre le coût du test, de l'ordre de quelques euros, et celui de la thérapie qui s'élève à plusieurs milliers d'euros par séance. Le recours ou non au dépistage de masse a été longuement débattu par l'assistance et n'a guère fait l'unanimité. Face aux journalistes, le Pr Bouzid a toutefois reconnu qu'au regard de l'incidence de cette maladie en Algérie, comparativement à la France ou aux USA, par exemple, le dépistage de masse n'est pas justifié actuellement. Mais, ajoute-t-il, on finira par y aller dans un avenir plus ou moins proche. Le Pr Oukkal du CHU Beni Messous, a justement fait un topo sur l'épidémiologie des cancers colorectaux en Algérie se basant sur les différentes séries statistiques disponibles, c'est-à-dire qui datent « légèrement », et concluant que le cancer colorectal, qui est devenu un problème de santé publique, et vu le coût de sa prise en charge, nécessite le recours au dépistage de masse. La conférence suivante a porté sur la récente expérience de la mise en place, au niveau du CHU de Bejaïa, d'un registre pour cette maladie, ce qui a provoqué un large débat de la question et des difficultés à fournir en données fiables ces registres en raison d'une faible adhésion des différents intervenants dans la prise en charge de cette pathologie, exception faite de la wilaya de Sétif où l'équipe en charge a réussi depuis quelques décennies à démontrer qu'il était possible d'arriver à un résultat positif. Le Pr Berkane, rencontrant la presse, a souligné la nécessité de résoudre d'abord le problème de communication avec le patient, estimant que le praticien doit cesser de s'appuyer sur la technologie et revenir à ses enseignements pour qu'il puisse faire un diagnostic rapide de la maladie. Sur la question du dépistage de masse, sa conviction est toute faite, c'est trop lourd à mettre en place, trop onéreux. « Le seul dépistage utile, est le dépistage ciblé, pour prendre en charge précocement la population à risque ». En matière de prévention, l'étude épidémiologique d'un dépistage de masse avec un nouveau test immunologique, qui sera menée à Béjaïa, ville pilote avec Laghouat, donnera certainement des résultats positifs, estime-t-il.