Cuba, devenu fréquentable, récolte déjà les fruits du dégel avec les Etats-Unis. La visite d'Etat, sans précédent, effectuée cette semaine par le président Raul Castro à Paris, témoigne d'une nouvelle perception de l'île à l'étranger depuis l'annonce historique du rapprochement entre La Havane et Washington fin 2014. Elle signe la fin de l'ère de l'isolement et conforte la dynamique de reconnaissance de l'Occident. « Avec la fin de la politique d'isolement de Washington — qui a échoué à provoquer des changements sur l'île — la France a pris la tête d'un groupe de pays qui désirent resserrer leurs liens avec Cuba pour profiter d'une éventuelle ouverture économique de l'île », observe Michael Shiffter, président du think-tank américain, Inter-American Dialogue. Sur les traces de Washington, la ruée vers le nouvel eldorado cubain est lancée par les diplomates, les dirigeants et les investisseurs européens, assurément soucieux de ne pas rater l'opportunité de conquérir ce marché longtemps coupé du monde occidental. Ce changement de cap est d'autant plus surprenant que les attaques récurrentes, notamment en matière de droits de l'homme, ont été visiblement abandonnées au profit de la realpolitik sonnante et trébuchante. La percée cubaine, confortée par son rôle de médiateur dans la crise colombienne à la faveur de la signature d'un accord entre les Farc et le gouvernement d'ici le 23 mars, s'appuie sur les chantiers de la réforme initiée par le président Raul Castro pour consacrer la politique d'ouverture sur l'économie de marché. « Le gouvernement cubain compte suivre l'exemple de la Chine, qui maintient de bonnes relations commerciales et financières avec le monde en dépit de son bilan en matière de droits de l'homme. Mais si l'on tient compte du poids économique de l'île, il paraît difficile de maintenir cette dualité » sur la durée, assure Michael Shiffter. La « nouvelle étape » cubaine, participant à la normalisation internationale, est tributaire des « profonds changements dans son modèle économique et politique ». Mais le vent a tourné. Un signe significatif : l'appel pressant du président français, François Hollande, lancé à son homologue américain pour lever totalement l'embargo commercial qualifié de « vestige de la guerre froide ». Un geste tout aussi révélateur du nouvel état d'esprit : la conclusion le 12 décembre 2015 d'un accord sur la dette cubaine due aux créanciers du Club de Paris, portant sur l'apuration de 8,5 milliards de dollars d'intérêts, et la mise en place d'« un fonds franco-cubain » doté de plus de 200 millions d'euros destiné à accélérer les projets d'investissements de la France à Cuba.