Cuba attend, aujourd'hui, le nom du successeur de Fidel Castro, largement convaincue que son frère Raul sera l'homme qui maintiendra son héritage, tout en cherchant à faire évoluer l'île communiste. Historique, la première séance de la nouvelle Assemblée cubaine, élue le mois dernier, va entériner le choix du fondateur du régime, qui, à 81 ans, invoquant sa santé défaillante, a renoncé mardi à briguer un nouveau mandat, après 49 ans de pouvoir sans partage. A sa place, Raul Castro, 76 ans, qui assure depuis juillet 2006 la présidence intérimaire du pays, fait figure d'archi-favori et se veut l'homme de la continuité, mais aussi des changements "à petit pas". Ministre de la Défense depuis 1959, il entend répondre ainsi à l'imposante liste des problèmes légués par la gestion de son frère, sources d'impatience croissante dans la population. "Indubitablement, il est le camarade qui a la plus grande autorité après moi et la meilleure expérience. Aussi possède-t-il toutes les qualités pour me succéder", a dit de lui Fidel Castro dès 2001. Célèbre dans le monde entier pour ses diatribes enflammées devant les foules, avec son éternel uniforme vert olive, sa barbe et ses cigares, Fidel Castro a symbolisé le guérillero victorieux durant la guerre froide, avant de s'aliéner nombre de sympathies internationales pour son refus d'assouplir son régime.Dans son message de départ, il a déclaré qu'il entendait se faire désormais le "soldat des idées", depuis sa suite d'un hôpital de La Havane où il peine à se rétablir d'une grave hémorragie intestinale survenue il y a 19 mois. Et, vendredi, reprenant la plume, il a répondu aux demandes de changements en assurant que Cuba "poursuivra son cap dialectique". Les pays occidentaux, Washington en tête, attendent du nouveau président cubain qu'il démocratise un régime communiste monolithique, en commençant par la libération des quelque 240 prisonniers politiques. L'hermétisme proverbial de la direction cubaine --seul le "lider maximo" assurait la communication du régime-- n'a rien laissé filtrer des préparatifs d'une succession vraisemblablement réglée au millimètre par les deux frères. Dimanche, la seule suprise viendrait de la désignation d'un outsider. Elle serait de taille: Fidel Castro entraînant dans son retrait son frère, avec sans doute la "vieille garde", pour laisser la place aux "jeunes". Dans ce scénario, le vice-président Carlos Lage, 56 ans, médecin de formation et "Premier ministre" de facto, est le plus en vue de la génération "intermédiaire". La plupart voient plutôt en lui un probable numéro deux, avec le titre dimanche de Premier vice-président du Conseil d'Etat, remplaçant Raul Castro en cas de décès, de maladie ou d'absence. Soumise à un sévère embargo économique des Etats-Unis et aux critiques occidentales pour ses atteintes aux droits de l'Homme, Cuba continue de jouir d'un certain prestige aux yeux de nombre de pays en développement et des quatre autres derniers Etats communistes de la planète: Chine, Vietnam, Corée du Nord et Laos. Tandis que le mot de "réforme" reste banni du langage officiel, Raul Castro a annoncé l'été dernier des "changements structurels et de conception", tout en prévenant que "rien de spectaculaire" n'était en préparation. Secret, à l'opposé des flamboyances de son aîné, Raul Castro sait être concis et concret, un changement de style apprécié des Cubains. Récemment, étudiants, écrivains ou artistes consacrés du régime ont exprimé ouvertement leur appétit de changements. A l'automne, à son invitation, des milliers de réunions se sont tenues pour écouter les doléances des Cubains, qui se sont soldées pour la plupart par des "volées de bois vert" pour la bureaucratie. Isolée, la dissidence est partagée entre l'espoir d'un assouplissement et sa méfiance envers Raul Castro, qui a depuis toujours la haute main sur la puissante police politique.