Le contrôle annoncé de Fidel Castro dans les rouages du pays laisse peu augurer de changements. Raul Castro a succédé dimanche à son frère Fidel, élu sans surprise à 76 ans à la tête de l'Etat cubain par la nouvelle Assemblée pour un mandat de cinq ans, après un demi-siècle de monolithisme dans l'île communiste. Il a immédiatement «sollicité» de l'Assemblée l'autorisation de «consulter» son frère «sur les décisions d'importance spéciale pour l'avenir de la nation, surtout celles liées à la défense, la politique étrangère et le développement économique du pays». Fidel Castro, qui avait annoncé auparavant qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat en raison de sa santé défaillante, se trouve ainsi confirmé dans son rôle d'arbitre incontournable de l'évolution du régime. «Fidel est ici, comme toujours, l'esprit bien clair et avec sa capacité d'analyse et de prévision plus qu'intacte, renforcée», a affirmé Raul qui, symboliquement, ne s'est pas assis à la tribune dans le fauteuil de son frère, resté vide. Soumise à un vote immédiat, la proposition a été approuvée à l'unanimité et à main levée par l'Assemblée, sous les applaudissements. Raul Castro, général et ministre de la Défense depuis la victoire révolutionnaire de 1959, assurait l'intérim de son frère Fidel depuis sa grave opération en juillet 2006 des suites d'une hémorragie intestinale. Petit, le visage barré d'une fine moustache, Raul Castro, homme effacé, voire secret, qui a la haute main sur la puissante police politique du régime, est aussi dépourvu de charisme que son frère était doué d'une éloquence proverbiale. Il a annoncé la prochaine levée de certaines «interdictions» pesant sur l'économie, sans préciser lesquelles, et une réévaluation «prudente» du peso. Le chef du Parlement Ricardo Alarcon a également annoncé la désignation en tant que «Premier vice-président» du numéro deux du régime José Ramon Machado, autre figure historique de la «vieille garde». Réputé ultra-orthodoxe, membre du Bureau politique du Parti communiste cubain (PCC, parti unique), José Ramon Machado, 78 ans, médecin, ancien de la guérilla de la Sierra Maestra (1956-1958), est un des derniers «Commandant de la Révolution». Sa promotion, alors que Carlos Lage, 56 ans, était donné favori, est un coup dur pour la «génération montante» et un signe de la méfiance de la «vieille garde» face aux changements attendus par les Cubains et la communauté internationale. Le général Julio Casas a été nommé en soirée ministre de la Défense, remplaçant Raul Castro dont il était le bras droit. L'installation de la vieille garde communiste aux côtés du nouveau président, et le contrôle annoncé de Fidel Castro dans les rouages du pays laissent peu augurer de changements spectaculaires à Cuba. Pourtant les pays occidentaux, Washington en tête, attendent de Raul Castro qu'il démocratise un régime monolithique, en commençant par la libération des quelque 240 prisonniers politiques. La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, évoquant «l'héritage de cinq décennies de tyrannie», a appelé La Havane à «entamer un processus de changement démocratique pacifique», déclarations qualifiées par Raul Castro d'«injurieuses et ouvertement interventionnistes de l'empire (les Etats-Unis) et de certains de ses proches». Pragmatique, réputé excellent organisateur, Raul Castro s'est déjà promis d'oeuvrer à des «changements structurels», mais «dans le socialisme», pour «fortifier» une économie étouffée par une pesante bureaucratie et un dur embargo américain. La communauté cubaine en exil à Miami a fait part de sa déception après l'élection de Raul Castro. «Nous ne verrons rien de neuf, seulement la continuité du régime», a réagi Janisset Rivero de l'organisation Directoire démocratique cubain. Dans un pays avide de changements, s'agissant d'abord des conditions de vie et d'assouplissements de la part d'une bureaucratie rigide, la promotion en numéro deux du pays de José Ramon Machado, vieille figure de l'orthodoxie marxiste cubaine, promet en outre plus de continuité que d'innovations. Très impliqués dans l'économie, les généraux, qui figuraient déjà en nombre dans l'équipe précédente, sont sortis renforcés dans la nouvelle. Les Cubains demandent à Raul Castro, parmi une infinité de choses, l'élimination du système de double monnaie - ils sont payés en pesos cubains dévalués et les produits s'achètent en devises -, la fin des restrictions de voyages à l'étranger, l'accès aux hôtels du pays et le commerce des automobiles et des logements. A cet égard, le nouveau chef d'Etat a annoncé qu'«il étudiait la possibilité d'une réévaluation progressive, graduelle et prudente du peso cubain» et qu'au cours de prochaines semaines certaines «petites restrictions».