Vieux comme le monde, le débat sur les liens complexes liant roman et poésie, a été, samedi dernier, au cœur de la rencontre hebdomadaire « Rendez-vous avec le roman » organisée par le ministère de la Culture au Palais de la culture Moufdi-Zakaria. Qui est poète, qui est romancier ? Pourquoi les gens de la rime s'impliquent-ils, souvent, dans la prose ? A-t-on le droit de le leur reprocher ? Autant d'interrogations obsessionnelles, voire existentielles aux yeux de certains écrivains. Deux auteurs d'expression arabe, bien connus de la sphère littéraire, Abderezzak Boukebba et Ahmed Abdelkrim, ont tenté d'y répondre, sous l'œil vigilant du poète Nacereddine Bakria, modérateur. Auteur iconoclaste et prolifique, Abderezzak Boukebba est un homme qui « sacralise » la liberté du ton. Il pense tout le mal des « idées reçues » et des « sentiers battus » et abhorre le « catalogage » des « gens du livre ». Il se présente comme un homme de lettres virevoltant d'un genre à un autre « selon l'humeur et la situation ». « On n'a pas le droit, clame-t-il, de nous demander des comptes sur le genre littéraire qu'on choisit pour exprimer ses idées. Peut-être sur la manière de procéder, mais jamais la raison. C'est absurde ! » Pour l'auteur de « La peau de l'ombre », seul compte le « moment instantané » pour définir la nature du texte à entreprendre. Tout en affirmant et soutenant la particularité de chaque genre littéraire, il ne pense pas moins qu'il existe des espaces communs dans lesquels l'écrivain puise un soupçon esthétique, des règles de bon usage et autres mécanismes qui n'ont plus lieu d'être. Le constat est partagé par Ahmed Abdelkrim qui cite, comme exemple, de grands noms de la littérature algérienne, à l'image de Malek Haddad, Kateb Yacine ou Ahlem Mostaghanemi. « Ils sont tout à la fois, poètes et romanciers, et dramaturge pour le cas du second », souligne-t-il, en guise de plaidoyer en faveur de cette « mixture » qui a donné jour à de grandes œuvres. Non sans évoquer la crise que vit, aujourd'hui, le roman algérien, comme ce fut le cas, rappelle-t-il, à la fin des années 80 lorsque la poésie gisait dans le même marasme. L'auteur de « Kitab Al-Aâssar » appelle à établir un état des lieux sans équivoque. « Je crois que nous n'avons pas encore élucidé les raisons de cette situation. Il est grand temps de s'y pencher », suggère-t-il devant un public où les auteurs francophones ont brillé, pour la seconde fois, par leur absence. Le concepteur de cet évènement, Samir Kacimi, avait pourtant promis de faire intervenir des écrivains de langues amazigh et française.