Une semaine après le plébiscite du Sénat sur la prolongation de l'état d'urgence jusqu'en mai prochain, l'Assemblée nationale française s'est prononcé, hier, sur ce régime d'exception majoritairement soutenu par la classe politique française mais décrié par le Conseil de l'Europe, le mouvement associatif et la familles des organisations des droits de l'homme. Ce régime exceptionnel se légitime par les attentats sanglants de Paris (130 morts, plusieurs centaines de blessés) et la persistance de la menace terroriste suscitant la crainte « d'autres attaques d'ampleur » évoquée par le gouvernement. L'Etat d'urgence donne des pouvoirs exorbitants au ministre de l'Intérieur. Il aura le droit d'assigner à résidence toute personne dont le « comportement » est jugé comme « une menace pour la sécurité et l'ordre publics », et d'ordonner « des perquisitions à domicile de jour comme de nuit », sans implication de la justice. Déjà, quelque 3.340 perquisitions administratives ont été menées et 578 armes saisies depuis novembre 2015. Plus de 340 personnes ont été mises en garde à vue et 285 assignations à résidence sont toujours en vigueur. Depuis le début de l'année, 40 personnes ont été interpellées pour leur implication présumée dans des filières, pour des menaces ou apologie du terrorisme, selon le ministre français de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Politiquement, une sortie du statut d'état d'urgence sera difficile à décider pour le gouvernement français, surtout à deux semaines avant la tenue de la phase finale du Championnat d'Europe de football 2016 (10 juin-10 juillet). Toutefois, ce régime ne fait pas l'unanimité en France. Il est dénoncé par la Ligue des droits de l'homme qui s'est tournée vers le Conseil constitutionnel, la plus haute juridiction française. Ce dernier se prononcera vendredi sur la validité des interdictions de réunion et des perquisitions. Le Parlement français, qui a adopté ces mesures d'exception, est également saisi d'une demande du gouvernement d'une réforme de la Constitution visant notamment à inscrire l'état d'urgence dans la loi fondamentale. Cette modification de la Constitution est aussi une conséquence directe des attentats qui ont frappé la France en 2015. Mercredi dernier, une première étape vers cette réforme a été franchie avec l'adoption par cette institution d'un projet de loi dit de « protection de la nation ». Celui-ci prévoit d'insérer dans la Constitution deux articles, un sur l'état d'urgence, l'autre, controversé, sur la déchéance de nationalité pour les Français auteurs de crimes et délits terroristes. Le Sénat doit se prononcer le 16 mars prochain sur cette réforme constitutionnelle.