La chaîne Al Jazeera, associée au Guardian, a pris le relais de Wikileakes. Elle se propose de diffuser, du 23 au 26 janvier, les 1 600 notes diplomatiques prises pendant les pourparlers de 2008. Le feuilleton d'un genre nouveau cible l'Autorité palestinienne fragilisée par l'intransigeance de Netanyahu et le refus du gel des colonies de peuplement en Cisjordanie et à El-Qods. Elle est tout simplement accusée de brader les intérêts stratégiques de la Palestine délestée de la quasi-totalité des quartiers colonisés d'El Qods, à l'exception de Har Homa, et indifférente au sort des réfugiées. Les révélations qui tendent à entériner les graves concessions palestiniennes et le recul historique ont ébranlé les fondements du futur Etat réduit à sa portion congrue, en deçà des frontières de la « ligne verte », en vigueur en 1949 et1967, du tracé de Camp David (2000) et de l'initiative de Genève fortement récusée. Elles donnent la part belle à Israël conforté dans sa politique de fait accompli et légitimé dans sa démarche colonialiste. A cet effet, le ministre des Affaires étrangères, Avidgor Lieberman, connu pour être un adepte de la solution de la « déportation » des populations palestiniennes, a saisi au vol l'occasion pour plaider la nécessité d'un « accord intérimaire à long terme » et la création d'un Etat palestinien dans des « frontières provisoires » sur moins de 50% de la Cisjordanie occupée. Il s'agit, pour lui, de « fixer les lignes rouges » à ne pas franchir.La bombe d'Al Jazeera jette un discrédit total sur l'Autorité palestinienne qui crie au complot et à la campagne insidieuse de nature à susciter « la confusion ». A l'issue d'un entretien avec le chef de l'Etat égyptien Hosni Moubarak au Caire, le président Mahmoud Abbas a estimé que « j'ai vu moi-même ce que la chaîne a diffusé en disant que ce sont des documents palestiniens, alors qu'ils sont israéliens. » Quant au principal négociateur, Saed Erakat, assurant si nécessaire la publication de tous les documents du département des négociations, tout est mensonges et déformation. Dans ce qui est présenté comme « une décision politique prise au plus haut niveau politique au Qatar », le Wikileakes arabe participe à la détérioration du climat de confiance général et à saper les bases de la réconciliation interpalestinienne. Si le sergent Bradley a pris la forme d'un employé du département des négociations de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) incriminé, contrairement aux allégations israéliennes portant le chapeau au général Mohamed Dahlane, l'effet ravageur s'étend aux relations cinflictuelles des « frères ennemis ». Les « Palestine Papers » a évoqué le rôle complice de Ramallah tenu informé de l'offensive militaire lancé contre Ghaza. La fracture prend la dimension du démantèlement organisé de la cause palestinienne et de l'implication de l'Autorité dans la lutte contre la résistance en Cisjordanie et à Ghaza. Au « rien à cacher » de Ramallah s'oppose la sentence de Hamas dénonçant « le visage hideux » de l'Autorité palestinienne. Le mur interpalestinien se lève pour faire une victime de choix : l'avenir de la paix et de la stabilité régionale indissociable de l'avénement d'un Etat palestinien indépendant et viable, vivant dans ses frontières légalement et internationalement reconnues. Mission accomplie, Al Jazeera ?