Avec le temps, Al-Jazeera est devenue la boîte postale d'al-Qaïda. Ben Laden et ses acolytes ne manquent jamais l'occasion d'y envoyer des communiqués vindicatifs et des enregistrements vidéo insoutenables retraçant leurs actions terroristes. Friande de ce genre “d'exclusivité”, la chaîne de télévision qatarie se hâte à chaque fois de diffuser les images. Dans le genre terrifiant, le film qui a mis en scène la prise d'otages puis l'exécution par le Jordanien Al-Zarqaoui en 2005 des deux diplomates algériens en poste à Bagdad, a choqué les téléspectateurs algériens. Non contente d'avoir fait la publicité de cet acte ignoble, Al-Jazeera a accompagné la projection de la bande par la bénédiction de Ali Benhadj, numéro deux de l'ex-FIS. Hier, elle récidivait en passant à l'écran des extraits d'un film attribué à al-Qaïda Maghreb sur les attentats du 11 avril à Alger. Dans un “souci de professionnalisme” singulier, le canal assure que le document en sa possession est authentique. On y voit des séquences douteuses du déroulement des opérations terroristes ayant ciblé le Palais du gouvernement et le commissariat de Bab-Ezzouar et leur préparation. La star du film est le chef d'al-Qaïda au Maghreb Abou Moussaab Abd Al-Ouadoud, alias Abdelmalek Droukdel. Il est vêtu d'un treillis militaire et coiffé d'un turban kaki. Son visage est couvert d'une longue barbe noire. Dans un serment enflammé, il incite ses sbires au terrorisme. Les trois terroristes ayant perpétré les attentats sont également montrés. Ils prononcent leur testament. La publication de leurs photos sur le site Internet du GSPC au lendemain des attaques a permis aux services de sécurité de les identifier. Selon Al-Jazeera, le film sera mis en ligne sur les sites islamistes, dans son intégralité. En attendant, la chaîne qatarie, contente de son scoop, s'attelle à le diffuser en boucle. Sa mue en outil de propagande au service d'al-Qaïda ne semble guère l'embarrasser. La proximité vérifiée de certains de ses journalistes avec l'organisation terroriste (affaire de Tayssir Allouni, journaliste vedette de la chaîne arrêté puis emprisonné en Espagne) a jeté le trouble auprès des téléspectateurs et a écorné sa réputation de média libre et démocratique, n'étant à la solde d'aucun régime arabe. Avec des slogans aussi alléchants que la diversité d'idées et la primauté du débat, Al-Jazeera pourtant a réussi à se forger une notoriété auprès du public arabe. Elle a fait irruption dans le paysage médiatique régional puis mondial au cours de la première guerre du Golfe en dévoilant les travers d'un conflit que CNN and co ont occultés. Son audace et sa fougue lui vaudront l'animosité de Washington qui se fait de plus en plus menaçant quand la chaîne devient le relais audiovisuel de Ben Laden. Mais Al-Jazeera n'en a cure. “Ses succès” la transportent. Gavées par le discours officiel meublant les programmes de leurs chaînes nationales, les populations arabes depuis quelques années voient défiler les “opposants” sur les plateaux de Doha. Aucun Etat n'est épargné, sauf l'émirat du Qatar, dont le chef est aussi le propriétaire de la chaîne ! En outre, en matière de pluralisme, la chaîne semble avoir une prédilection pour les islamistes de tout acabit. Dans le cas de l'Algérie, Abassi Madani, Anouar Haddam, Rabah Kébir et Ali Benhadj sont constamment sollicités. En 2004, le ministère de la Communication gèle jusqu'à nouvel ordre les activités du bureau d'Al-Jazeera à Alger. Officiellement, un manquement à la loi du correspondant local était avancé pour justifier cette décision. Mais une émission diffusée quelques jours avant la fermeture apparaît comme avoir été la goutte qui a fait déborder le vase. La parole avait été donnée à des islamistes réfugiés à l'étranger. Depuis, Al-Jazeera a trouvé un gîte à Rabat. Faisant montre de gratitude, elle s'est crue en devoir de rallier sa politique sur le Sahara occidental. La semaine dernière, elle a même trouvé le moyen de dénaturer le contenu de la résolution de l'ONU en associant l'Algérie au conflit. Samia Lokmane