«L'armée se porte garante de la révolution. L'armée protège le peuple et le pays et ne sortira pas du cadre de la Constitution», affirme le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar, celui-là même qui a défrayé la chronique en refusant de tirer sur des manifestants comme le lui demandait Zine El Abidine Ben Ali, le président déchu, à des centaines de jeunes rassemblés près des bureaux de Mohamed Ghannouchi, le Premier ministre, pour réclamer la démission des anciens ministres reconduits dans le gouvernement dit de transition. «Notre révolution, votre révolution, la révolution des jeunes, elle risque d'être perdue, d'autres risquent de la récupérer. Il y a des forces qui appellent au vide, à la vacance du pouvoir. Le vide engendre la terreur, qui engendre la dictature», prévient-il. Entre la détermination d'une jeunesse et du «front du 14 janvier» décidés à ne pas se faire voler leur révolution et la volonté des plus âgés de composer avec l'ancien système pour éviter le chaos, l'armée a tranché. Pour la première fois depuis le 14 janvier, date de la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite, la police a fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants, dont des centaines de la «caravane de la libération» et des enseignants entrés dans une grève illimitée à l'appel de l'UGTT qui refuse, elle aussi, ce gouvernement qui a reçu deux missions : remettre le pays sur les rails et préparer des élections libres et démocratiques d'ici six mois. Des bataillons de manifestants pourraient débarquer prochainement à Tunis et y rester jusqu'à ce que le gouvernement qui table sur un hypothétique essoufflement de la contestation populaire démissionne et …s'enfuie comme Ben Ali. «Un mois, deux mois, trois mois ! Jusqu'à la chute du régime!», disent-ils, convaincus que de ténébreux hommes de Ben Ali manœuvrent dans les coulisses du pouvoir où ils détiennent la réalité du pouvoir avec le chef de l'Etat par intérim, le Premier ministre et tous les ministères de souveraineté (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Défense). Selon toute vraisemblance, pour calmer la rue, le Premier ministre pourrait jeter du lest en éloignant de son équipe les trois ministres qui focalisent la colère des Tunisiens, le titulaire de l'Intérieur, très lié à la répression policière, celui de Défense pour aide au clan Trabelsi au temps où il était chargé des domaines de l'Etat, le secrétaire d'Etat à la Fiscalité, l'architecte des redressements fiscaux infligés aux entreprises qui étaient dans le collimateur du clan. Parallèlement aux agissements de la rue et du gouvernement, des partis politiques de l'opposition, des personnalités politiques, des membres de l'UGTT, des représentants de la société civile négocient un «Conseil de la révolution» pour chapeauter la transition.