L'accusation tentera dès demain, dans une affaire inédite, de convaincre la Cour pénale internationale de mener un procès contre un chef touareg malien, présumé lié à Al-Qaïda, soupçonné d'avoir orchestré la destruction de mausolées à Tombouctou en 2012. Ahmad Al Faqi Al Mahdi, âgé d'environ 40 ans, est le premier suspect arrêté dans l'enquête de la Cour sur les violences de 2012-2013 au Mali et le premier poursuivi par la CPI pour destructions d'édifices religieux et monuments historiques. Lors de l'audience dite de confirmation des charges, prévue demain et mercredi, le procureur arguera que son dossier contre lui est assez solide pour justifier un procès. En tant que chef présumé de la « Hesbah », la brigade des mœurs, que M. Al Faqi aurait dirigée et participé personnellement aux attaques contre neuf mausolées et une des plus importantes mosquées de la ville, Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 10 juillet 2012, selon la même source. Fondée entre le XIe et le XIIe siècles, par des tribus touareg, et inscrite au patrimoine mondial de l'humanité, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l'Islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. La « cité des 333 saints » a connu son apogée au XVe siècle. La destruction, en 2012, de quatorze mausolées de saints par le groupe Ansar Dine, au nom de la lutte contre « l'idolâtrie », avait dès lors provoqué l'indignation à travers le monde. Selon le mandat d'arrêt émis contre M. Al Faqi, ce dernier est responsable de crimes de guerre. La CPI avait ouvert en 2013 une enquête sur les exactions commises au Mali par les groupes terroristes liés à Al-Qaïda. Ils avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, après la déroute de l'armée face à une rébellion à dominante touareg. Ces terroristes ont été en grande partie chassés suite au lancement, en janvier 2013, à l'initiative de la France, d'une intervention militaire internationale. Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères. L'Unesco a depuis restauré les 14 mausolées détruits à Tombouctou, qui se trouve à quelque 1.000 km au nord-est de la capitale Bamako. Selon Stephen Rapp, ancien diplomate américain spécialiste des questions de crimes de guerre, l'affaire menée par la CPI contre M. Al Faqi pourrait servir d'exemple, notamment auprès des juridictions nationales, au moment où le monde constate avec indignation la destruction de trésors culturels par le groupe Daech en Syrie et en Irak.