Ph. : Slimene SA. Chez nous, c'est devenu un sport national, hautement perfectionné : à chaque fois qu'un jeune talent pointe du nez, c'est une horde de détracteurs acharnés qui monte au front, avec pour «macabre» mission de le réduire à néant. C'est comme ça, nous dit-on. C'est en nous. C'est inné. Il parait que nous sommes devenus allergiques aux expressions nouvelles dont le «sacrilège» est de faire bouger les lignes et, donc, de remettre en question, un statut quo dont se nourrissait jusque-là les gardiens du temple «Ankaoui», ringards et sans aucune aspérité. Pour ne pas dire très nocifs pour le monde de la création artistique. C'est le cas ici, de Kamel Aziz, plus connu sous le sobriquet de Kamel Errouji, en référence, vous l'aurez bien deviné, à son teint blond. Voilà en effet, un interprète de Chaâbi qui suscite un véritable buzz dans les milieux. Non pas qu'il soit, du haut de ses 26 ans, au fait d'une carrière qui s'annonce encore plus prometteuse qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pas plus que son attitude plus ou moins distante par rapport à la nébuleuse du Chaâbi qui ne lui inspire pas que de la sympathie. Vous l'aurez compris de vous-même. Car ce jeune prodige, a vraiment tout d'un artiste exceptionnel. Un jeu de mandole qui nous fait rappeler des maîtres à jouer, comme El Anka ou, dans une plus large mesure, Dahmane El Harrachi. Un toucher qui laisse pantois toute «ouie auditrice ». Kamel joue à tout, nous avons bien dit à tout, les instruments de l'orchestration andalouse ou Chaâbi. Tout y passe sous la virtuosité de son doigté : Kanoun, Piano, Guitare, mandole, mandoline, violon, Derbouka, Oud, Kouitra, flûte…et on en passe. Un don divin qu'il a réussi à aiguiser au sein de plusieurs associations de musique andalouse, comme Essendoussia ou encore les Beaux Arts. Là où il s'est forgé aux compositions austères de la çanaa. La base pour tout talent en herbe. Même s'il n'a pas encore donné une franche identité à son travail vocal, subissant encore, c'est très clair, l'influence d'un Karim Theldja, Aziouz Raïs, ou encore Amar Ezzahi, sa véritable référence, tout porte à croire qu'il ne s'agit là que d'une étape parmi tant d'autres, qui tient à une maturité à peine entamée. On le verrait bien dans dix ou vingt ans. Ça nous rappelle un peu l'histoire de son «mentor» Amar Ezzahi, qui, très jeune avait mis sens dessous dessus un paysage musical très peu ouvert aux nouvelles sonorités. De toute façon, le jeune Kamel n'en est qu'à ses premiers balbutiements officiels. Son avenir aussi rayonnant soit-il aujourd'hui, est bel et bien devant lui. Qu'il bouscule des habitudes ou qu'il mette à nu une scène Chaâbi complètement désuète, c'est tout à son honneur. Pour peu qu'il se préserve de l'enivrant tournis de la notoriété.