S'il compte, de l'avis de nombreux critiques, parmi les meilleurs représentants de la littérature algérienne, Anouar Benmalek n'en fait pas pour autant un label. « Je ne me considère pas comme un auteur algérien, mais plutôt un citoyen de ce pays », a-t-il déclaré lors d'un hommage qui lui a été rendu, samedi dernier, par l'Institut français d'Alger à l'occasion de la fête de la francophonie. Signataire, on le sait, du Manifeste de la littérature du monde, l'auteur de « Rapt », qui s'exprimait dans une conférence débat animée par le journaliste et critique littéraire Youcef Sayah, se veut et se place comme un homme de lettres ouvert sur le monde. « Toute la planète m'appartient. L'Algérie n'est pas mon seul horizon même si elle m'est si chère », insiste-il non sans reconnaître l'importance de la référence algérienne dans ses romans. Y compris ceux qui parlent des peuples africains (Fils de Shéol, son dernier roman), des aborigènes (L'enfant du peuple ancien) les Andalous (Ô Maria)... Avec une fierté apparente, il brandit sa « multiplicité » littéraire tel un étendard. Fruit d'un illustre héritage familial, Anouar Benmalek est fils d'un père algérien, d'une mère marocaine et petit-fils d'une grand- mère suisse. Né à Casablanca, il grandit à Constantine, mène des études de mathématiques à Kiev et, enfin, une carrière universitaire et littéraire d'abord en Algérie puis en France. Il se considère comme un auteur transfrontalier qui ne croit pas trop à la sédentarité romanesque. « Pourquoi m'imposerais-je des frontières ? A mon avis, l'écrivain n'a pas à se limiter dans sa quête littéraire », professe le mathématicien. D'une plume élégante mais acérée, et quelquefois très violente, il s'échine, tant bien que mal, à mettre en scène les drames humains. Il proteste, dénonce et s'enrage devant les massacres, voire les génocides, dont sont victimes les peuples les plus démunis. Sur ce, il cherche à donner un nouveau souffle à la littérature en proposant un « œil neuf », « extérieur », d'un écrivain algérien sur les tragédies qui secouent l'humanité. Une façon de faire pièce à l'« exotisme » qui empreint un certain nombre de romans. « Chacun est exotique pour l'autre », souligne l'écrivain en plaidant pour l'exploitation du fonds commun qui réunit les cultures humaines. Ecrire pour « tuer » la mort Les notes d'humour qu'il distribue de temps à autre à son public dissimulent très mal un auteur « sombre » pour les uns, tragique pour les autres. « C'est parce que nous mourrons que la littérature existe (...) sans la mort la littérature est ridicule », confesse l'invité de l'Institut français, non sans faire part de questionnements obsessionnels qui nourrissent son écriture. Telle la tragédie de ne pas avoir suffisamment de temps pour répondre aux questions de la vie. Telle est, selon lui, la tentation du roman. De ses romans qui s'articulent presque tous sur cette question presque maladive « Qu'aurais- je si... ». Donné comme l'un des porte-feu du roman historique, Anouar Benmalek s'en défend tout en admettant l'importance qu'il porte à l'histoire dans ses écrits. « Ce qui compte à mes yeux, ce sont ces gens qui réagissent aux conditions historiques exceptionnelles et non pas l'histoire en tant que telle », conclut-il.