«Démocratie bienvenue, discrimination dégage». Rached Ghannouchi, l'islamiste, pas le Premier ministre, est retourné chez lui, en compagnie d'une de ses filles. Premiers mots prononcés à pleins poumons à son arrivée à l'aéroport de Tunis-Carthage : «Allah Akbar». Ces mots ont constitué sa seule et unique déclaration aux centaines de Tunisois venus accueillir leur «héros» avant de quitter les lieux escorté par des «miliciens» demandant aux présents de ne pas toucher le «chef» mais d'entonner «talaâ el Badr alaina», le chant qui évoque le départ du prophète de La Mecque vers Médine. A Londres, avant d'embarquer, le leader d'Ennahda (renaissance), le mouvement islamiste qu'il a créé en 1981, a eu cette «phrase» très politique à l'AKP turc. «S'il y a des élections libres et équitables, des législatives mais pas la présidentielle, Ennahda y participera» avant de réclamer un «gouvernement d'union nationale» et une révision de la Constitution. Signe d'un débat que la Tunisie post-Ben Ali ne peut éviter : des militants pour la laïcité ont fait le déplacement à l'aéroport hier et à l'appel de l'Association des femmes démocrates (ATFD), dirigée par la juriste Sana Ben Achour, des milliers de femmes ont manifesté samedi au centre de Tunis pour défendre l'émancipation, acquise depuis plus d'un demi-siècle. «Démocratie bienvenue, discrimination dégage» et «Tunisie liberté justice» tels étaient les slogans brandis par les manifestantes auxquelles se sont joints de nombreux hommes. «Ce qui s'est passé en Tunisie ne peut en aucun cas être considéré comme l'œuvre des islamistes, des nationalistes ou des communistes», explique Mohammed Habib Azizi, professeur d'histoire à l'université de Tunis. L'exilé à Londres depuis 1992, celui-là même qui a été condamné en 1991 à l'emprisonnement à perpétuité, ne fait pas l'unanimité chez lui. Certains lui reprochent d'avoir mené la belle vie à Londres pendant qu'eux payaient le prix fort à Tunis. D'autres le redoutent à long terme. Même s'il affirme que «la charia (la loi islamique) n'a pas sa place en Tunisie» et que «la peur est uniquement basée sur l'ignorance» qu'il impute à la politique de diabolisation de son mouvement par Ben Ali, le président déchu dont les avoirs à l'étranger sont gelés, les uns après les autres.