Pressé par Benjamin Netanyahu, qui agite le spectre d'un régime à l'iranienne, dans le cas où les Frères musulmans qui ont « enfourché » l'actuel mouvement de protestation qui réclame des réformes politiques et sociales, prendraient le contrôle de l'Etat, Barack Obama et Hillary Clinton, qui ont été pris de court par la propagation en Egypte de la « Révolution du Jasmin », cherchent un équilibre entre les intérêts stratégiques des Etats-Unis au Proche-Orient, et leur souhait d'une une vraie réforme économique et politique partagée par les Egyptiens qui exigent depuis le 25 janvier le départ d'Hosni Moubarak. Pari réussi pour l'opposition qui a promis un million de manifestants pour défier Moubarak et ce, malgré certains obstacles dressés par le nouveau ministre de l'Intérieur (arrêt des trains et routes coupées). Plus de deux millions d'Egyptiens ont manifesté hier dans le centre du Caire pour pousser Moubarak à quitter le pouvoir, exiger la formation d'un gouvernement transitoire, l'élaboration d'une nouvelle Constitution et la dissolution du Parlement. Parmi les raisons pouvant expliquer ce succès : l'engagement de l'armée, qui a jugé les revendications du peuple « légitimes », à ne pas faire usage de la force. Fort de cet « appui », Mohamed ElBaradei, qui s'est imposé comme la figure de proue de cette protesta, même s'il ne fait pas l'unanimité, se fait menaçant. « Si le président veut sauver sa peau, il ferait mieux de quitter le pouvoir d'ici vendredi », dit-il, appuyé par Frères musulmans. Connus comme la force d'opposition la plus influente du pays, ils demandent que le régime-président, parti, ministres et parlement-quitte le pouvoir. Décodé, l'appel lancé par Omar Souleïmane, le vice-président, à un dialogue immédiat avec l'opposition, « autour de toutes les questions liées aux réformes constitutionnelles et législatives », pourrait ne pas avoir d'écho. La coalition d'opposants laisse entendre qu'elle n'engagera pas de dialogue sur une transition politique tant que le président sera au pouvoir. « Notre première exigence est le départ de Moubarak. Seulement après, un dialogue pourra débuter avec la hiérarchie militaire sur les détails d'un transfert pacifique du pouvoir », déclare Mohamed al-Beltagi, ancien député des Frères musulmans. OBAMA LÂCHE MOUBARAK La Maison Blanche et le Département d'Etat qui ont souhaité une « transition ordonnée » pour ne pas heurter la Jordanie et l'Arabie Saoudite, les autres alliés dans le monde arabe qui estiment que cette révolte va créer « un Moyen-Orient islamique », dixit le chef de la diplomatie iranienne Ali Akbar Salehi, n'osent pas appeler encore directement au départ de Moubarak avant la présidentielle de septembre 2011. Malgré le chiffre de 300 morts et de 3.000 blessés. Tout en comptant sur l'armée qui a renforcé sa place au pouvoir, Obama et Clinton commencent à partager le sentiment de leurs conseillers pour les questions de sécurité qui estiment que l'ère Moubarak est révolue. La mission donnée à Frank Wisner, un ancien ambassadeur américain en Egypte-rencontrer les dirigeants clés du régime, de l'opposition et de la société civile, avant de leur faire part de son analyse- s'inscrit dans cette logique. «La transition en bon ordre souhaitée par les Etats-Unis signifie le changement », explique le porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs. Tout comme la nomination du chef des services secrets, Omar Souleïmane, en qualité de vice-président que les analystes perçoivent comme un prélude au départ de Moubarak. Une question reste posée : les Egyptiens s'accommoderont-ils de Souleïmane maintenant qu'ils savent que ce dernier a envisagé de gouverner en tandem avec le Raïs depuis l'année 2005 selon une note publiée par le site Wikileaks ?