Si les Etats-Unis, au contraire de la France, ont anticipé la chute de Ben Ali et soutenu sans sourciller la Révolution de Jasmin, celle qui est en marche au pays des Pharaons risque de les dépasser. Les Américains, qui ne souhaitent pas la chute de Hosni Moubarak qui demeure un pion indispensable et incontournable de leur politique au Proche-Orient en général et du conflit israélo-palestinien, en particulier, devront probablement corriger leurs appréciations des événements qui sont en train de secouer l'Egypte. En effet, si les Etats-Unis, au contraire de la France, ont anticipé la chute de Ben Ali et soutenu sans sourciller la Révolution de Jasmin, celle qui est en marche au pays des Pharaons risque de les dépasser. La Maison-Blanche a, certes, pris la mesure des soubresauts qui sont en train de transformer en profondeur les rapports entre les peuples du Maghreb, des pays arabes et les pouvoirs qui les gouvernent de manière autoritaire depuis plus d'un demi-siècle pour certains d'entre eux. En ce qui concerne la Tunisie, les Etats-Unis ont affiché, de façon claire, leur position et ont accompagné la chute de Zine El Abidine Ben Ali. «Je condamne et déplore le recours à la violence contre des citoyens qui ont exprimé de façon pacifique leur opinion en Tunisie et je salue le courage et la dignité du peuple tunisien», a déclaré Barack Obama qui avait salué une lutte courageuse et déterminée pour des droits universels. «Nous nous souviendrons longtemps des images du peuple tunisien cherchant à faire entendre sa voix. J'encourage toutes les parties à garder leur calme et à éviter des violences, et appelle le gouvernement tunisien à respecter les droits de l'homme et à organiser dans un proche avenir des élections libres et justes qui reflètent la volonté réelle et les aspirations des Tunisiens», a ajouté le président américain. Pratiquement au même moment, la France n'y voyait que du feu dans un pays qui est considéré comme un de ses principaux pré carrés au Maghreb. Alors que le régime en place depuis près d'un demi siècle mettait un genou à terre, la ministre française des Affaires étrangères proposait, au gouvernement tunisien vacillant, l'expertise française en matière de sécurité. «Le savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité, permet de régler des situations sécuritaires de ce type», avait fait valoir Michèle Alliot-Marie. Alors que Paris perdait pied en Tunisie, Washington grapillait du terrain dans une région traditionnellement acquise à l'Hexagone pour des raisons historiques. Il est vrai que les Etats-Unis d'Amérique qui n'ont pas de passé colonial en Afrique du Nord n'éprouvent aucun complexe à s'exprimer librement sur des questions fondamentales de liberté d'expression, de respect des droits de l'homme ou de démocratie. Au contraire de la France qui, au nom d'un droit d'ingérence qui lui est souvent reproché, a tendance à temporiser. Une attitude qui trouve son explication dans une forme de culpabilité ayant pour origine, une douloureuse colonisation mal assumée. A son tour, la révolte égyptienne donne des insomnies aux Américains. Les Etats-Unis qui appellent à des réformes en Egypte ont parié, par contre, sur le maintien de Moubarak au pouvoir. «Moubarak est notre allié dans plusieurs domaines. Et il a été très responsable au sujet des efforts de paix au Moyen-Orient étant donné les intérêts géopolitiques dans la région [...] Je ne le qualifierais pas de dictateur», a estimé dans une interview à la chaîne PBS, le vice-président américain, Joe Biden. Au vu de la tournure prise par les événements, l'inquiétude est profonde aux Etats-Unis. «Nous sommes profondément inquiets à propos de l'usage de la violence par la police et les forces de sécurité égyptiennes contre les protestataires et nous demandons au gouvernement égyptien de faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les forces de sécurité fassent preuve de retenue», a déclaré Mme Clinton aux journalistes au département d'Etat. Dans le même temps, «les protestataires devraient également s'abstenir de toute violence et s'exprimer de façon pacifique», a déclaré Hillary Clinton aux journalistes lors d'un point de presse qu'elle a tenu vendredi, tandis que le président américain exhortait le Raïs à tenir ses promesses de réformes. «Le peuple égyptien a des droits qui sont universels. Cela inclut le droit de se réunir pacifiquement, le droit à la liberté d'expression et à la possibilité de choisir son propre destin, cela relève des droits de l'homme», a déclaré Barack Obama. Des mots imposés par la volonté du peuple égyptien et qui sonnent comme une fin de règne pour celui qui est considéré désormais, comme le dernier des Pharaons. Les Egyptiens tiennent à leur révolution, Obama et Sarkozy s'accrochent à leurs pré carrés.