Rencontrée au tribunal Abane-Ramdane de Sidi M'hamed, Saïda, mère de famille, affirme ignorer l'existence de la mesure de « comparution immédiate ». Son fils, qui a été arrêté par la police lors d'une opération à Alger, a été présenté dans la matinée devant le procureur près le tribunal pour détention de psychotropes. « Je ne suis pas au courant. Mon fils n'est pas un repris de justice, on m'a dit qu'il pourra être mis sous mandat de dépôt. » Saïda insiste pour qu'on lui explique cette mesure. C'est aussi le cas pour une autre femme qui attendait une décision du procureur. Son époux ayant été présenté pour détention d'armes blanches. « Mon époux peut être jugé aujourd'hui ? Est-ce que cela nécessite un avocat ? C'est quoi au juste cette mesure ? », demande-t-elle. Le policier en faction précise que la comparution immédiate est appliquée, mais « timidement » en raison des affaires compliquées traitées et du grand nombre de dossiers examinés par le tribunal. Au tribunal d'El Harrach, la salle où sont présentés les inculpés au procureur de la République est pleine en cette journée de dimanche. Des policiers, notamment de la police judiciaire, sont présents pour accompagner des individus menottés. « Ils étaient placés en garde à vue pour détention de drogue. La décision d'appliquer la comparution immédiate revient au juge », souligne un policier. Même constat au tribunal de Chéraga qui a procédé à l'application de cette disposition, selon un officier de la PJ rencontré sur place. « Plusieurs individus interpellés par nos services ont été soumis à la comparution immédiate. Il s'agit essentiellement d'affaires de stupéfiants, d'agression en flagrant délit. Cette nouvelle mesure a été également appliquée au tribunal de Koléa », signale la section de la PJ de la sûreté de la daïra de Draria. Cette procédure reste méconnue du public, a-t-on constaté auprès des citoyens. Larbi, cadre dans une entreprise de communication, déclare ignorer l'existence de cette nouvelle disposition. « Certes, je sais que le code de procédure pénale a été amendé, mais je ne suis pas au courant de l'introduction de cette mesure déjà appliquée en France. C'est une bonne chose dans la mesure où le prévenu est jugé en temps réel et qu'il n'attendra pas des mois, voire des années, pour être jugé. » Samira, enseignante dans un lycée à Alger-Centre, n'a aucune idée sur la question. « Je sais qu'il y a eu plusieurs réformes de la justice. J'ai suivi le texte sur la criminalisation de la violence à l'égard de la femme parce qu'il a provoqué un grand débat, mais pour la comparution immédiate, je l'ignorais totalement », a-t-elle soutenu. Nawel, journaliste, se demande si la comparution supprime la garde à vue au niveau des postes de police. « Je ne suis pas le dossier du secteur de la justice. Je travaille beaucoup plus sur l'économie. De plus, je n'ai pas lu d'articles de presse sur ce sujet », soutient-elle. Nacéra est femme au foyer et mère de trois enfants. Rencontrée près d'une station métro, elle avoue ignorer tout de cette nouveauté. Son époux, chauffeur de bus, affirme qu'il n'a jamais mis les pieds dans un commissariat. « Il faut demander aux repris de justice », a-t-il dit. Saliha, spécialiste en gâteaux traditionnels, est au courant de cette mesure. « Mon fils a été arrêté en possession d'une arme blanche. Il a été présenté devant le procureur qui l'a transféré au tribunal. C'est la première fois que je mets les pieds dans un tribunal. Un policier m'a conseillée de prendre un avocat en urgence, ça n'était pas facile. Le juge l'a condamné immédiatement à 3 mois de prison avec sursis, vu qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires et qu'il est étudiant. Je trouve que c'est une mesure efficace car elle évite aux familles les attentes et le stress de la programmation de l'affaire qui peut s'étaler sur des mois », indique-t-elle.