« C'est une avancée, mais ». « Ce sont des changements révolutionnaires dans le pénal, à condition que ». « Le nouveau Code de procédure pénale consacre, réellement et non virtuellement, les droits de la défense. Néanmoins ». « Pour une fois, on est arrivé à concilier le principe de protection de la société et celui du respect des libertés individuelles, le droit de la défense et l'efficacité de l'appareil répressif. C'est une évolution pour notre système judiciaire, sous réserve que ». La quasi-majorité des avocats voient plutôt d'un bon œil les amendements relatifs à la procédure pénale, cet ensemble de règles organisant le processus de répression d'une infraction et ayant pour objet la mise en œuvre du droit pénal général. Mais leurs appréciations favorables au nouveau texte (ordonnance portant Code de procédure pénale, n°15-02, datée du 23 juillet 2015, modifiant et complétant l'ordonnance n°66-155, datée du 8 juin 1966, qui a été publiée au J.O du 23 juillet 2015) ne sont toutefois pas exemptes de «réserves», voire d'«objections», pour reprendre ce terme juridique qui revient tel un leitmotiv dans les bagarres procédurales préliminaires à l'ouverture des débats d'audience. Et, un peu paradoxalement quelque part, leurs griefs formulés se rapportent aux points forts (de la nouvelle loi) mis en avant -avec comme message de fond une « grande réforme politique en matière de droit de l'Homme- par le ministre de la Justice, garde des Sceaux, avec un certain ton triomphaliste. Leurs réserves ne se réfèrent pas tant au fond des nouvelles règles du jeu régissant le processus pénal depuis le début de la plainte d'une victime, la dénonciation ou la constatation d'une infraction, jusqu'à la décision judiciaire définitive, qu'à la forme, notamment en ce qui concerne les quatre grandes « nouveautés » introduites, à savoir : l'assistance du gardé à vue par l'avocat, la comparution immédiate, la médiation et la mesure de placement sous surveillance électronique (PSE), dispositif plus connu sous le nom de « bracelet électronique ». C'est surtout s'agissant de l'article 51 bis 1 du CPP (traduction : l'assistance par un avocat du mis en cause durant sa garde à vue) sur lequel les « robes noires » trouvent à redire. L'article en question dispose que « tout en veillant au secret de l'enquête et à son bon déroulement, l'officier de police judiciaire est tenu de mettre à la disposition de la personne gardée à vue, tout moyen lui permettant de communiquer immédiatement avec une personne de son choix parmi ses ascendants, descendants, frères et sœurs ou conjoint et de recevoir ou de contacter son avocat. Si la personne détenue est un étranger, l'officier de police judiciaire met à sa disposition tout moyen lui permettant de contacter son employeur et/ou la représentation diplomatique ou consulaire de l'Etat dont il est ressortissant, à moins qu'il n'ait bénéficié des dispositions de l'alinéa premier ci-dessus » « Jusque-là, c'est bon. Révolue donc, en vertu de cet article du moins, l'ère des gardes à vue secrètes, où le suspect est coupé du monde, ne disposant d'aucun moyen pour contacter les siens, et où ces derniers sont pris dans une spirale infernale à la recherche, au hasard, de leur proche disparu », observe un avocat du barreau d'Oran. Or, le problème est dans ce qui suit, selon lui. « Si la garde à vue est prolongée (au-delà de 48 heures : ndlr), la personne maintenue en détention peut recevoir la visite de son avocat ». Ce qui amène le même avocat-juriste à s'interroger : « Si on comprend bien, et le texte est clair là-dessus en tout cas, le gardé à vue n'a droit à l'assistance de son avocat qu'après 48 heures de sa mise en détention dans la geôle du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie, pour ne citer que ces services de police judiciaire. En principe, l'avocat peut accéder à son client dès sa mise en garde à vue. En France, par exemple, puisque la législation régissant notre système judiciaire en est inspirée, ce nouveau CPP compris, la loi dispose que : dès (c'est-à-dire immédiatement : précision du même avocat) son placement en garde à vue, une personne peut demander l'assistance de son avocat. Si celui-ci ne peut être contacté, le gardé à vue peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier ». « Je vois donc, et je ne suis pas le seul, qu'il y a, au moins, ambigüité entre l'acte de contact par le gardé à vue d'un avocat, qui est autorisé dès la mise en détention, et l'accès effectif de l'avocat à son client (on ne peut parler de « mandant » à ce stade puisque la lettre de constitution d'avocat auprès du tribunal n'est pas encore formulée ; il s'agit-là d'une simple prise de contact) et sa présence, à l'effet de son assistance, dans les actes d'auditions de la PJ. « Or, il y a le principe de la clarté et de l'intelligibilité de la loi », ajoute le même avocat. L'ASSISTANCE DE L'AVOCAT DURANT LA GARDE A VUE : « 30 MN C'EST TROP PEU ! » Le même texte (article 51 bis 1, chapitre I relatif à l'enquête préliminaire) poursuit : « ( ) La visite se déroule dans un espace sécurisé garantissant le secret de l'entretien sous le regard de l'officier de la police judiciaire. La durée de la visite ne peut excéder trente (30) minutes. Mention en est faite au procès-verbal ( ) » Pour le bâtonnier du barreau d'Oran, Me Ouahrani Lahouari, « Pourquoi limiter le temps ? Et si tant que cela soit nécessaire pour des raisons de gestion de la procédure, pourquoi ce chrono fort contraignant de 30 petites minutes ? Il ne s'agit pas, à mon sens, d'une formalité de pointage de l'avocat au commissariat où est détenu son client, mais, et c'est cela la lettre et l'esprit de la nouvelle disposition, d'une assistance juridique de l'avocat-conseil à l'égard de son client mis en cellule dans tous les actes de l'enquête de la PJ ». SEMINAIRE SUR LE NOUVEAU CPP : PROFITER DE L'EXPERIENCE D'AUTRES PAYS Pour un autre avocat, « toute la démarche est étroitement liée à la réforme déjà annoncée par le même ministre Tayeb Louh d'ailleurs, selon lequel on ira vers la mise sous contrôle direct et étroit du parquet (en clair, la présence d'un procureur au sein même des locaux de la PJ) de l'ensemble des activités de la PJ, à commencer par l'enquête préliminaire, que le représentant du ministère public aura à approfondir avant même la mise en mouvement de l'action publique. Pour cet avocat, « ceci expliquerait pourquoi l'entrée en vigueur de nombre de nouvelles dispositions du CPC, à l'instar de l'assistance de l'avocat pendant la garde à vue, a été différée de six mois à compter de la promulgation du nouveau code, le 23 juillet 2015. « C'est-à-dire, explique-t-il, c'est une manière de temporiser en attendant la mise en œuvre de la réforme redéfinissant les relations de travail « Parquet-PJ » et consacrant davantage le pouvoir suprême du premier sur le second. « La nouvelle législation en matière de procédure pénale vient d'être promulguée et publiée au JO. Elle est, en partie, déjà appliquée chez certains de nos voisins. Dans ce contexte, et fort de nos jumelages avec différents barreaux d'Europe et d'Afrique, et même d'ailleurs, nous allons organiser une journée d'études internationale, au Sheraton d'Oran, courant le bimestre octobre-novembre 2015, afin de bénéficier des expériences de pays comme la France, l'Espagne, l'Italie, la Tunisie, entre autres, dans ce registre-là », a indiqué le bâtonnier d'Oran au Quotidien d'Oran. Ce séminaire coïncidera avec la rentrée solennelle du Barreau.