Confronté à une rue qui réclame depuis onze jours son départ «ici et maintenant», le président Hosni Moubarak, 82 ans, agite le spectre d'un «vide politique». Dans une interview à la chaîne américaine ABC, le Rais qui a affirmé qu'il ne briguerait pas un sixième mandat à la présidentielle de septembre après avoir passé près de 62 ans dans la fonction publique dont près de 30 ans au pouvoir, a ouvert la porte à un départ avant de la refermer aussitôt. S'il part avant septembre, dit-il, le pays sombrera dans le chaos et les Frères musulmans qui seraient derrière le déchainement des violences s'empareront du pouvoir. Curieusement, cette envie de jouer la montre est relayée par Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe qui est allé sur la place Tahrir (Libération) pour aider à «l'apaisement», Omar Souleimane et Mohamed Hussein Tantaoui, le ministre de la Défense. «On ne peut pas avoir d'élections demain ou dans un mois», dit-il n'excluant pas de se présenter à la succession du président qui doit, précise-t-il, rester à son poste jusqu'à la fin de son mandat. «L'appel au départ (de M. Moubarak) est un appel au chaos», renchérit le vice-président dans un entretien à la télévision publique. Comme son chef, il annonce qu'il ne se présentera pas à la prochaine élection. Le ministre de la Défense qui s'est rendu hier sur la place Tahrir pour évaluer la situation, a lancé à la foule cette phrase «l'homme vous a dit qu'il n'allait pas se représenter». Après l'envoi des «baltaguiya», les partisans du régime pour affrontements mercredi et jeudi place Tahrir, les agressions contre les journalistes, le saccage du bureau d'El Jazira, au Caire, l'ordre donné aux opérateurs de téléphonie mobile Orange et Vodafone de transmettre des SMS progouvernementaux à leurs abonnés, le pouvoir égyptien veut-il forcer la main à l'opposition, formée autour du Prix Nobel de la paix Mohamed El Baradei, qui a fait du départ immédiat de Hosni Moubarak une condition pour négocier? La rue reste accrochée à son exigence. Des centaines de milliers d'Egyptiens sont descendus dans les rues hier, baptisé «le vendredi du départ» pour réclamer le départ du dernier pharaon. La communauté internationale campe elle aussi sur ses positions. Comme la rue égyptienne qui brave le couvre-feu, elle ne croit pas aux «mesures» prises par Le Caire. Selon le New York Times, les Etats-Unis négocient avec les responsables égyptiens une proposition pour une démission immédiate de Moubarak et le passage du pouvoir «maintenant» à un gouvernement de transition dirigé par le vice-président Omar Souleimane. Selon le journal américain, Moubarak qui est accusé de tous les maux dans ce pays de 80 millions d'habitants -pauvreté, chômage, privation de libertés et régime policier, s'oppose à l'idée d'un départ immédiat. L'Union européenne demande que la transition démocratique commence «maintenant». Dans une déclaration commune adoptée lors d'un sommet à Bruxelles, les 27 demandent aux Caire de «répondre aux aspirations du peuple égyptien par la réforme politique et non la répression». A défaut, ils menacent comme les Américains de revoir leurs relations avec l'Egypte.