Les événements se précipitent en Egypte où les positions se radicalisent à quelques mois de l'élection présidentielle en automne. Au moment où, au Caire, partisans et adversaires de Hosni Moubarak s'affrontaient à coup de slogans pour ou contre le président sortant, les magistrats égyptiens haussaient le ton et réclamaient une totale indépendance conditionnant même leur participation à la supervision des deux scrutins (cf, le référendum du 25 mai sur l'amendement de la Constitution et la présidentielle prévue en septembre prochain), à la modification de leur statut dans le sens d'une «totale indépendance» de la magistrature. Mais hier, c'est encore la déclaration du président Moubarak, évoquant la possibilité d'une candidature de son fils cadet, Gamal Moubarak, qui a quelque peu éclipsé une actualité égyptienne assez agitée. En effet, dans une interview au quotidien koweïtien Al Siyassa, reprise hier par la presse cairote, le Rais égyptien a indiqué, à une question du rédacteur en chef d'Al Siyassa: «Mon fils peut se présenter comme n'importe quel autre citoyen», a déclaré M.Moubarak, selon le journal, le président sortant invoquant à ce propos l'article 76 amendé de la Constitution qui permet désormais les candidatures multiples. Toutefois, M.Moubarak ne précise pas si lui-même sera candidat ou non, mais il ne fait pas de doute que si le président sortant a évoqué la possibilité pour son fils d'être candidat, c'est qu'il envisage lui-même de ne pas se représenter pour un nouveau mandat et cette évocation du fils n'est pas fortuite d'autant plus que Gamal Moubarak, numéro deux du parti au pouvoir (PND, Parti national démocratique), n'éprouvera sans doute aucun complexe à chausser les bottes de son père. De fait, la manière avec laquelle le quotidien à fort tirage, Al Ahram, a rapporté hier les choses, apparaissait comme une préparation de l'opinion publique à l'avènement du jeune Moubarak, le journal gouvernemental écrivant à cet effet: «Le président (Moubarak) a affirmé que son fils Gamal pouvait désormais se porter candidat, maintenant que l'amendement de l'article 76 de la Constitution a ouvert la porte aux candidatures» multiples. Or, jusqu'ici, Hosni Moubarak s'était publiquement prononcé contre «l'héritage politique», notamment l'an dernier au plus fort de la maladie du Rais, quand les caciques avaient alors mis en avant le fils cadet Moubarak, 42 ans, le présentant comme la solution à une éventuelle vacance de pouvoir. Depuis, Gamal Moubarak est devenu le numéro deux du PND, occupant le poste de président du «Haut comité politique», ce dernier tenant lieu de bureau politique du parti. Moubarak Jr, n'a toutefois cessé de répéter ces derniers mois qu'il «n'était pas candidat». Mais hier, c'est lui qui a réagi aux déclarations du porte-parole de la Maison-Blanche en indiquant: «Cette question est une affaire interne égyptienne que nous (Egyptiens) déciderons», et le jeune Moubarak d'affirmer, en marge d'une conférence de presse au siège du PND, que L'Egypte refuse que l'étranger lui impose des observateurs pour contrôler l'élection présidentielle prévue en septembre. «Aucune tentative de l'étranger d'imposer un certain modèle de contrôle ne sera dictée à l'Egypte». En effet, Scott McClellan avait déclaré, la veille, à propos des élections en Egypte lors d'un point de presse : «Nous pensons qu'il est important que les candidats puissent mener une campagne active et parler librement de leur candidature pour que les gens puissent choisir librement leur dirigeant.» Il ne fait pas de doute que l'option «Gamal Moubarak» est d'ores et déjà prise, dans le cas, qui devient probable au demeurant, où le Rais décide de ne pas se représenter. De fait, le président Moubarak qui boucle 24 ans de pouvoir en octobre prochain, -et la maladie aidant-, peut estimer qu'il est maintenant temps pour lui de passer la main. D'ailleurs, il a déclaré récemment qu'il attendra les résultats du référendum du 25 mai sur l'article 76 de la Constitution (l'Assemblée du peuple, Parlement, a adopté jeudi à une écrasante majorité l'amendement apporté à la loi fondamentale, modification rejetée en revanche par l'opposition, rappelle-t-on) pour se déterminer définitivement quant à sa candidature à la prochaine présidentielle. C'est justement parce qu'il estime que 24 ans c'est assez, que le mouvement d'opposition égyptien, «Kefaya» (Barakat, ça suffit) a organisé vendredi, une manifestation dans le même temps où les partisans du président sortant organisaient une contre-manifestation appelant le Rais à se représenter pour un nouveau mandat (qui serait le cinquième). De fait, ces manifestations et contre-manifestations sont devenues depuis quelques semaines une constante du paysage politique égyptien. Mais c'est encore les magistrats égyptiens qui risquent de brouiller les cartes du pouvoir, qui menacent de ne pas superviser les élections sur le référendum et la présidentielle. En effet, réclamant l'indépendance du pouvoir judiciaire, les magistrats ont renouvelé leur menace de boycotter l'élection présidentielle s'il n'est pas procédé à la révision de leur statut dans le sens d'une «indépendance totale» de la magistrature. Les 2000 membres du «Club des magistrats» (qui fait office de Syndicat) ont tenu une assemblée générale lors de laquelle ils ont approuvé une motion conditionnant leur participation au prochain scrutin. A cet effet, le responsable du Club, le juge Mahmoud Mekki, a indiqué : «Nous avons tous décidé que les magistrats ne superviseront pas les prochaines élections avant d'avoir obtenu les garanties d'indépendance que nous réclamons. Nous nous déchargerons ainsi, devant le peuple, de toute responsabilité» concernant les résultats de ces scrutins. Toutefois, le Club laisse la liberté à ses membres de participer ou non au référendum du 25, mais comme l'indique le président du Club des magistrats, Zakaria Abdel Aziz qui explique : «Il s'agira d'un test de la bonne foi du gouvernement.»