« Aux Etats-Unis, le fair use (que l'on peut traduire par ‘‘usage loyal'', ‘‘usage raisonnable'' ou ‘‘usage acceptable'') est un ensemble de règles de droit, d'origine législative et jurisprudentielle, qui apportent des limitations et des exceptions aux droits exclusifs de l'auteur sur son œuvre (droit d'auteur). Il essaie de prendre en compte à la fois les intérêts des bénéficiaires des droits d'auteur et l'intérêt public, pour la distribution de travaux créatifs, en autorisant certains usages qui seraient, autrement, considérés comme illégaux » ; c'est en ces termes que l'encyclopédie en ligne Wikipédia présente le dispositif du « fair use » que viennent de mettre en avant des juges new-yorkais pour donner raison à Google dans son projet de numérisation de livres. C'est en décembre 2004 que les responsables du moteur de recherche ont eu l'idée de commencer à numériser les livres en passant des accords avec toutes les institutions en charge du livre, notamment les bibliothèques universitaires et celles de lecture publique. « En novembre 2008, la bibliothèque virtuelle Books comptait plus de sept millions de livres, contre 15 millions en 2010, dont une partie seulement est consultable directement depuis le site (3 millions aux Etats-Unis) », écrit l'encyclopédie en ligne Wikipédia. Sur le site www.actualitte.com, on apprend que le projet de Google est « de numériser les livres appartenant à plusieurs grandes bibliothèques partenaires, à commencer par la bibliothèque de l'Université du Michigan (dans sa totalité, à savoir 7 millions d'ouvrages), les bibliothèques des Universités de Harvard, de Stanford et d'Oxford, et la New York Public Library. Le coût estimé au départ se situe entre 150 et 200 millions de dollars US, avec la numérisation de 10 millions de livres sur six ans et un chantier d'une durée totale de dix ans ». Mais cette quête de produits éditoriaux à mettre sous le scanner n'avait pas que des supporters. « En numérisant des millions de livres sans demander l'accord des auteurs et des éditeurs pour ceux qui ne sont pas tombés dans le domaine public, Google s'est attiré les foudres de leurs représentants, un peu partout dans le monde, notamment en France et aux Etats-Unis », fait remarquer l'universitaire, spécialiste en sciences de la communication français, Jacques-André Fines Schlumberger, sur le site http://la-rem.eu, ajoutant qu'à partir de l'année « 2006 en France, les éditions Lamartinière, rejointes par le Syndicat national de l'édition et la Société des gens de lettres, s'estimaient victimes de contrefaçon de droits d'auteur ». Puis, en 2009, survient une interdiction édictée par le tribunal de grande instance de Paris qui empêche Google « de numériser des ouvrages sans l'autorisation de leurs éditeurs ». Après un pourvoi contre cette décision, Google a finalement préféré mettre le ballon à terre, calmer le jeu et parvenir « à un accord de numérisation avec la maison d'édition avant le verdict en août 2011 », ajoute l'universitaire français tout en poursuivant que plusieurs « procès suivirent, opposant Google à Gallimard, à Flammarion, ou encore à Albin Jeunesse ». Même le patron du groupe d'édition français Hachette s'est mis de la partie ; il a, en effet, « fustigé Google et ses méthodes, lors d'une intervention publique que certains ont encore en travers de la gorge. Google y était présenté comme l'acteur ‘‘le plus susceptible de constituer un danger clair et immédiat pour notre industrie'' », lit-on sur le site www.actualitte.com. Il est vrai que le projet de Google a de quoi susciter des interrogations, voire même des inquiétudes, tant son ampleur paraît sans limite et les moyens déployés impossibles à concurrencer ; « il dispose de moyens financiers et techniques considérables, et a vu son champ d'activité s'élargir progressivement : aujourd'hui, c'est à la fois un outil de recherche intra-texte, de consultation de livres en ligne ou sur appareil mobile, de constitution de collections personnelles, et de téléchargement d'ouvrages libres de droits ; c'est aussi une librairie en ligne via la boutique Google Play, un outil permettant de trouver où emprunter un exemplaire de livre en bibliothèque, et un fournisseur d'informations complémentaires (métadonnées) sur les œuvres », explique Wikipédia dans la rubrique du programme Google Books, ajoutant qu'il « désigne communément plusieurs éléments distincts : le service de recherche Google Book Search, le Google Book Partner Program qui permet aux éditeurs d'inclure ou non leurs ouvrages dans la base de données de Google, et le Google Books Library Project qui regroupe les partenariats avec les bibliothèques ». Aux Etats-Unis, également, les ennuis ont débuté pour le projet dès 2005 sur instigation de deux associations, l'Authors Guild, regroupant les auteurs, et l'Association of American Publishers, celle des éditeurs de livres. Ces deux « organisations représentant les ayants droit et les éditeurs, avaient engagé des poursuites contre Google pour atteinte à la loi sur le copyright », lit-on sur http://la-rem.eu qui rapporte la longue histoire de cette bataille menée par les éditeurs et les négociations ardues menées avec Google entre 2006 et 2009, pour aboutir à un accord amiable dénommé « Google Book Settlement », qui a obtenu l'aval du juge John E. Sprizzo, le 17 novembre 2008. « Cet accord concernait, entre autres, l'exploitation par Google de cette ‘‘zone grise'', qui vise des ouvrages encore soumis au régime du copyright, mais indisponibles dans le commerce », fait remarquer Jacques-André Fines Schlumberger, avant d'expliquer que suite à une instruction du ministère américain de la Justice, en juillet 2009, il a été demandé à un juge fédéral new-yorkais « d'invalider l'accord pour vice de procédure, violation de loi antitrust et atteinte aux droits d'auteur, notamment à propos de cette zone grise ». Quelque temps plus tard, ce juge décrète la nullité de l'accord qui, entre autres, stipulait « le versement aux auteurs d'un pourcentage des revenus générés sur Google Books par l'intermédiaire d'un organisme indépendant de gestion les représentant », ajoute ce site qui voit que cet « accord aurait pu conférer à Google un monopole de fait ». Pour contourner cette situation, Google et l'association des éditeurs conviennent, en octobre 2012, d'un nouvel accord amiablement, « permettant aux éditeurs de demander le retrait de leurs titres numérisés, mais aussi de collaborer avec Google, ce qui solda la procédure judiciaire », indique l'universitaire français dans son papier publié sur http://la-rem.eu. Mais c'est avec les auteurs américains que le projet de Google rencontre la plus acharnée des oppositions. Sans accord à l'amiable possible, l'Authors Guild maintient la pression par voie de justice, amis, comme le souligne le site http://la-rem.eu, « la cour d'appel des Etats-Unis rendit finalement un jugement favorable à Google, le 14 novembre 2013, considérant que son programme Google Books pouvait bénéficier de l'exception légale au respect du copyright dite fair use, le dispensant ainsi d'obtenir l'autorisation préalable des auteurs pour numériser leurs ouvrages ». Un pourvoi en appel est immédiatement introduit par l'association des auteurs américains, en vain, puisque le 16 octobre 2015, les juges de la cour fédérale ont estimé Google Books légal sur le territoire américain ; le motif avancé par les juges est ainsi repris par ce même site : « La création par Google d'une copie numérique pour assurer une fonction de recherche est un usage transformatif qui améliore les connaissances du public en rendant les informations sur les livres des plaignants, disponibles au public. (...) Un usage transformatif communique quelque chose de nouveau et de différent de l'original et étend son utilité, servant ainsi l'objectif global du copyright, qui est de contribuer à la connaissance du public ». De plus, à leurs yeux, le fait que seulement 16% du contenu d'un livre protégé par le copyright est susceptible d'être concerné par ce projet, « ne menace pas les titulaires de droits d'une perte significative de la valeur de leurs droits ni ne diminue les revenus liés à leur copyright », ajoute le site, qui fait le parallèle avec le rejet, en juin 2014, par la même cour d'appel d'une plainte de cette association Authors Guild « contre l'HathiTrust Digital Library, une bibliothèque en ligne constituée de presque 10 millions d'ouvrages numérisés, née d'un consortium regroupant des universités et des bibliothèques américaines et européennes ainsi que Google Books et Internet Archive ». La décision rendue le 29 mars dernier par la cour suprême des Etats-Unis n'est pas une autorisation formelle pour Google pour aller de l'avant dans son projet, mais elle ressemble fortement à un tapis rouge déroulé devant les folles ambitions du moteur de recherche. « Sans autoriser directement le géant californien à réaliser son projet Google Books, la décision de la cour suprême lui permet donc de le poursuivre en consolidant ce précédent arrêt daté de 2013 », souligne le site du quotidien français www.leparisien.fr qui note également cette réaction des responsables de Google qui se sont déclaré « reconnaissants que la Cour (suprême) ait décidé de consolider la décision de la cour d'appel qui avait conclu que Google Books a un effet transformateur et est en adéquation avec la loi sur les droits d'auteur ». Pour le rédacteur de ce site, cette décision sonne la fin d'un feuilleton qui dure depuis plus de dix ans, exactement depuis que « trois auteurs américains, Jim Bouton, Betty Miles et Joseph Goulden avaient assigné Google en justice contre ce projet », en 2005. On note par ailleurs que le projet de Google a également des soutiens qui se sont bien exprimés à l'occasion de ce verdict ; ces « soutiens du géant de l'informatique estiment eux que le projet gigantesque va bénéficier autant au grand public qu'aux chercheurs », note leparisien.fr qui cite parmi eux, Krista Cox, de l'association des bibliothèques de recherche, qui s'est fendue d'un tweet pour applaudir la décision des juges et dire combien elle saluait une « victoire de l'utilisation équitable », relève le site du quotidien parisien qui cite un autre soutien, Nancy Sims, de l'université du Minnesota, qui voit dans cet épilogue judiciaire, « une issue formidable pour les bibliothèques et le public ». Pour les principaux initiateurs de l'action en justice, notamment le syndicat des auteurs, c'est forcément la déception, puisque expliquent-ils dans une déclaration rendue publique après la décision de la Cour suprême, « aveuglé par les arguments sur les bénéfices pour le public, la décision (...) nous indique que Google, et non les auteurs, mérite de tirer profit de la numérisation de leurs livres ». Pour la patronne d'Authors Guild, Mary Rasenberger, les juges, qui ont statué sur cette affaire, ne lui semblent pas avoir « compris l'importance des marchés émergents des livres et extraits de livres en ligne », ajoutant que leur décision « n'a pas saisi la menace très réelle que pose cette décision pour les auteurs. Le prix à payer pour ce bénéfice de court terme pour le public pourrait bien être l'avenir de la vitalité de la culture américaine ».