Photo : Slimene S.A. « La levée de l'état d'urgence augure d'un changement radical dans la façon d'exercer le pouvoir chez nous et constituera une réponse aux aspirations des jeunes ». C'est ce qu'a déclaré, hier, Mme Zohra Drif Bitat, vice-présidente du Conseil de la nation, lors de son passage à la Radio nationale (Chaîne III). Ainsi, elle a souligné l'importance de la décision prise par le chef de l'Etat jeudi dernier. Pour elle, « le pays a changé et il faut que tous les acteurs soient en adéquation pour avancer ». Une mesure qui trouve son importance, même historique, dans le fait que « c'est la première fois, en tout cas en Algérie et dans les pays arabes, qu'un chef d'Etat répond aux aspirations de son peuple ». Non sans faire remarquer que « l'état d'urgence est limitatif des libertés individuelles et collectives et cette mesure aura un impact important sur le terrain et au niveau de la société civile ». Elle ne manque pas de faire remarquer, au passage que « les gouvernements successifs ont manipulé la décision de l'état d'urgence de telle manière qu'elle a eu un impact négatif, particulièrement sur la société civile». Dans le même ordre d'idées, Mme Bitat a évoqué la célébration, en 2012, du cinquantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Elle trouve que c'est une occasion pour engager un débat «sérieux» sur le devenir du pays. «Dans la vie d'une nation, cinquante ans d'existence, c'est important. Nous devons nous arrêter et nous pencher sur ce que cinquante ans de souveraineté et de liberté ont apporté au peuple. On va faire un bilan. Ce bilan doit être fait dans la transparence. Nous en avons besoin», a-t-elle déclaré. En 2012, «nous devons mettre tout à plat, voir d'où nous sommes partis, où nous sommes arrivés, où on pouvait faire mieux et où on a mal fait. Il faut engager une discussion franche entre tous les acteurs qui ont participé à l'évolution du pays. Ce débat doit se faire entre Algériens, loin de toute influence», a-t-elle souligné. La sénatrice s'est prononcée également sur le problème des jeunes, notamment sur le chômage. Une attention particulière doit, selon elle, être accordée à cette frange de la société aux jeunes. «N'oubliez pas que 70 % de la population algérienne est composée de jeunes. Il faut essayer de savoir pourquoi les harragas, qui prennent un risque fou en traversant la Méditerranée en plein hiver, partent. Que cherchent-ils en partant ? Et que veulent-ils exprimer ?», s'est-elle interrogée. Par rapport aux statistiques données par les officiels, la sénatrice a commencé par s'interroger sur les chiffres contenus dans la déclaration de politique générale. «Je ne comprends pas pourquoi est-ce que les chiffres indiquant la bonne santé du pays ne se répercutent pas positivement sur la situation des citoyens algériens ? Pourquoi malgré ces chiffres, les Algériens ne sont pas heureux et ne vivent pas dans la quiétude ?» s'est-elle interrogée. L'invitée de la Radio trouve que la situation des jeunes a une relation directe avec la qualité de l'enseignement en Algérie. Elle appelle à la tenue d'un débat fructueux sur ce secteur. «Le produit sorti à la fin d'un cursus a-t-il une qualité comparable à ce qui existe sur le plan international ?», s'est-elle encore interrogée. Sur le volet de la crise du logement, Mme Bitat a trouvé «inexplicable» le fait que la crise du logement perdure en dépit de tous les programmes de construction engagés ces dernières années et «des sommes extraordinaires versées» pour financer ces projets. Elle a exhorté le gouvernement à cesser avec la politique du chiffre. «Je vis la réalité du pays. Et au regard de ce qu'on engage et de ce qu'on dit être mis comme masse d'argent et les résultats, il y a une disproportion», a constaté Zohra Drif Bitat. Il est impératif, selon elle, de chercher les causes de ce décalage. «Est-ce dans le fonctionnement des institutions ? Est-ce dans les choix de programmes ? Est-ce dans le système éducatif et le niveau de l'enseignement ? Nos gouvernants doivent commencer à discuter des causes. Il faut d'abord identifier ce qui ne va pas et pourquoi ça ne va pas», a noté l'invitée de la Radio.