Mme Zohra Drif Bitat n'aime pas qu'on l'appelle «ancienne moudjahida». Elle lui préfère «simple citoyenne». Il s'agit peut-être de la réponse qu'elle apporte à l'idée que véhicule la dénomination qui est devenue synonyme de «passe-droits» ou «ayants-droit»; dénomination qui désacralise l'aura de tous ceux qui ont combattu pour libérer leur pays du joug colonial. L'invitée de l'émission En toute franchise, de la Radio Chaîne III, a eu son mot à dire sur l'exploitation du film La bataille d'Alger par le Pentagone pour combattre le terrorisme. «Je crois que les Américains se gourent en assimilant la lutte d'un peuple pour son indépendance au terrorisme», dit-elle. «Les Algériens étaient déterminés à arracher leur indépendance», souligne-t-elle. Les Irakiens le seraient-ils moins? C'est un autre débat. Mme Bitat relève «une gravité» dans la manière dont est enseignée l'histoire aux jeunes générations. Répondant à une question relative à la loi du 23 février, elle a fait un parallèle avec l'expérience juive, en rappelant que les Juifs ont décidé de ne plus subir l'humiliation qui leur était infligée au cours de l'histoire. «Ils ont commencé par la Shoah et ont réalisé énormément de choses jusqu'à devenir bourreaux...». Les Algériens doivent se prendre en charge, suggère-t-elle. «Il faut rappeler que la France n'a pas fait son deuil de l'Algérie. Or, nous, de notre côté, on n'a pas cultivé la haine du Français. Comme on n'a pas inculqué à nos enfants ce qu'a été la colonisation de l'Algérie. Nous n'avons pas écrit notre histoire. C'est Benjamin Stora qui l'écrit, alors que nous avons des milliers de Stora parmi les hommes et les femmes que nous avons formés dans nos universités depuis 1962». S'agissant des rapports franco-algériens, elle estime que, tôt ou tard, la France devra reconnaître ses crimes et les génocides qu'elle a commis en Algérie. Avec du recul tout se tassera, les langues se délieront, «déjà, beaucoup de gens ont pris leur plume pour écrire leurs témoignages sur la guerre de Libération». D'autres thèmes ont été abordés lors de l'émission. Mme Bitat préfère la limitation des mandats du président de la République, si on veut vraiment instaurer l'alternance au pouvoir et bâtir un Etat démocratique moderne comme l'ont rêvé les fondateurs du FLN en 1954. Le rôle de la femme en Algérie n'est pas limité, par rapport au monde qui nous entoure. «La femme algérienne est dans tous les secteurs, par ses compétences, elle est absente des centres de décision -ce qui n'est pas propre à l'Algérie- mais cela viendra, elle doit s'engager pleinement dans le combat politique».