Avec une moyenne journalière de 3.000 morts durant quinze jours, soit 45.000 victimes, les massacres du 8 mai 1945 renseignent sur la volonté de la France coloniale de décimer les Algériens. Ce dessein, pour l'historien Mohamed Lahcen Zeghidi, « s'inscrit dans un programme établi depuis le 14 juin 1830 sur la base d'informations et de recherches menées par le consulat français en Algérie pour venir à bout de ce peuple et du mouvement national ». Intervenant, hier, au forum de la Sûreté nationale dans le cadre de la commémoration des massacres du 8 Mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata, le professeur Zeghidi, enseignant à l'université Alger 2, a affirmé que « le colonialiste a mûrement réfléchi son acte afin de mettre à genoux le peuple ». Il étaye ses propos en évoquant un dirigeant français qui disait : « Les massacres, les tueries et la destruction de l'agriculture sont la solution pour maintenir notre hégémonie dans ce pays. » Depuis, plusieurs massacres ont été perpétrés dont les plus importants sont ceux commis à El Ouffia (Constantine) le 5 avril 1832, et à Blida en 1844, ainsi que les enfumades d'Oued Riah, le 20 juin 1945. « La grotte Lefrachih (Oued Riah) renferme jusqu'à nos jours la cendre et l'odeur des corps brûlés », souligne Zeghidi. Cette atrocité, précisera le conférencier, est « relatée par les bourreaux (Bugeaud, Cavaignac, Pélissier et Saint Arnaud) dans des écrits envoyés à leurs familles ». Avec l'avènement du XXe siècle, « c'est la même détermination d'extermination du peuple algérien d'où l'enrôlement de centaines de jeunes Algériens durant la Seconde Guerre mondiale ». Le contexte mondial (occupation de Paris par les Allemands) a changé l'attitude des Algériens envers la France et les massacres du 8 Mai 1945 ont conforté la conviction des militants du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) que seule l'action armée pouvait mener au recouvrement de la liberté, concomitamment à la lutte politique. En effet, après ces évènements tragiques, « l'étape de la formation et la mobilisation a été déjà finalisée et qui sera suivie de l'étape du déclenchement de l'action armée », explique l'historien. Ce long processus du mouvement national depuis la création de l'Etoile nord-africaine (ENA) en 1926 a fait germer l'idée de la liberté forgée par la maturité et le sens de responsabilité d'une nouvelle génération. Ainsi, pour le conférencier, « le 8 mai 1945 a été l'étincelle qui a favorisé le déclenchement de la glorieuse révolution ». Sa commémoration aujourd'hui est « une halte historique et un référent pour les jeunes ayant mis en place l'OS et préparé le 1er Novembre ». Ceci a poussé l'historien à demander la reconnaissance par la France des crimes commis. Il conforte sa doléance en citant les USA qui « ont présenté leurs excuses au peuple vietnamien et l'instauration de deux dates commémoratives relatives au bombardement d'Hiroshima et Nagasaki (Japon). Alors qu'en Algérie, il a été procédé à 17 essais nucléaires dont 4 superficiels à Reggane et 13 souterrains à In Ekker. Leurs retombées continuent à faire des victimes ». Dans ce même objectif de destruction, la France a disséminé 15 millions de mines antipersonnel. Les efforts de l'ANP ont permis de détruire pour l'heure 9 millions. Le forum de la Sûreté nationale et la présence de cadres de ce corps constitué ont été une occasion pour l'orateur d'appeler à l'écriture de l'histoire du parcours et des sacrifices de la police nationale notamment, durant la décennie noire marquée par l'assassinat de 5.000 policiers et cadres de ce corps de sécurité.