Alors que la commission mixte issue de la dernière tripartite n'a pas encore rendu son rapport final sur la question relative à la suppression de la retraite sans condition d'âge, des experts, chercheurs et syndicalistes considèrent que sa suppression est une décision « sage », d'autres estiment qu'elle ne constitue pas une priorité. Réunie fin mai 2016, la commission exécutive de la Fédération nationale des travailleurs retraités (FNTR) a appelé les pouvoirs publics à trouver les mécanismes pour augmenter les recettes de la Sécurité sociale, en général, et de la CNR, en particulier. En 2015, la CNR a constaté que sur 10 dépôts de dossier de retraite, 7 travailleurs actifs sont des retraités proportionnels. Selon la direction générale de la Sécurité sociale au ministère du Travail, contrairement à une idée reçue, les départs à la retraite, avant l'âge de 60 ans, de près de 830.000 travailleurs, en plus d'engendrer des pertes de cotisations et de compétences professionnelles, ne sont en rien générateurs d'emplois. La CNR verse, chaque année, 770 milliards de dinars sous forme de pensions à environ 1.600.000 retraités, dont plus de 50% ont quitté leur emploi avant l'âge de 60 ans. Pour la Centrale syndicale, le maintien du départ à la retraite sans limite d'âge constitue un « risque » pour l'avenir de la CNR. Mohamed Lakhdar Badredine, conseiller aux affaires économiques et sociales du secrétaire général de l'UGTA, a déclaré que « la loi de 1997 ne peut pas être considérée comme un acquis permanent, c'est plutôt un acquis conjoncturel pour une situation conjoncturelle ». Il a regretté la position des autres syndicats qui se disent « opposés » faisant observer que dans tous les pays, l'âge de départ à la retraite est décalé, comme en Angleterre (67 ans) ou en France (62 ans). Il s'agit, selon lui, de préserver les pensions des retraités. L'Association nationale des économistes algériens partage le même avis. Son président, Saâdane Chebaïki, a estimé que le rétablissement de la retraite à 60 ans permet de préserver la justice sociale et l'équilibre financier de la CNR. Toutefois, il a recommandé de continuer d'appliquer « éventuellement » le départ à la retraite sans limitation d'âge à une certaine catégorie de travailleurs qui exercent des métiers pénibles, comme ceux des hauts fourneaux des complexes sidérurgiques ou ceux qui sont sur les champs et les forages pétroliers au sud du pays. Pour l'économiste Kamel Rezig, ce système engendre « des pertes pour l'économie nationale ». De son côté, le vice-président du Conseil national économique et social, Mustapha Mekidèche, a indiqué que « la révision du système des retraites n'est pas une priorité ». « On devrait plutôt s'intéresser au dossier des transferts sociaux et d'augmentation des prix, y compris dans le secteur de l'énergie où il y a un gaspillage énorme. » Selon lui, « le dossier relatif au travail, aux salariés et aux retraités est sensible, car c'est un aspect qui risque d'engendrer des conséquences négatives sur le front social », a averti Mekidèche. La considérant comme une décision « sage », le chercheur et universitaire Walid Merouani préconise d'autres réformes « complémentaires ». Le chercheur prédit également une « baisse » des transferts de l'Etat au titre du budget social, conséquemment à la suppression de la préretraite. Une réforme au niveau de la CNR devrait affecter de la même façon les travailleurs de tous les secteurs d'activité avec une couverture retraite « plus présente » dans les secteurs des services par rapport à ceux de l'agriculture ou du bâtiment et travaux publics où les taux de cotisation sont moins importants, note-t-il. Il a suggéré « la modification du principe de calcul de la pension de sorte à obliger les travailleurs à cotiser plus longtemps (plus de 35 ans), pour bénéficier d'un taux de remplacement maximum (80%) et d'allonger la période servant de base de calcul du salaire de référence de 5 à 7 ans, voire à 10 ».