Venu de l'Inde par les grandes routes marchandes, le jeu d'échecs a poursuivi inexorablement son chemin jusqu'en Perse, avec une expansion vertigineuse sous l'empire arabo-musulman avant d'atteindre l'Europe via l'Andalousie et les cités italiennes, demeure éternellement jeune tout aussi attrayant, à telle enseigne que nulle avancée technologique ludique n'a réussi à le détrôner, et ce, depuis l'époque du fameux Sissa, ce sage indien qui en fut l'inventeur et qui demanda au roi Belbik, maître de céans des lieux, la « modique » récompense, qu'il ne put jamais exaucer, d'un grain de blé doublé pour chacune des soixante quatre cases de l'échiquier, en passant par le grec Palamède qui, au cours du siège de la ville de Troie, usa de la magie des soixante-quatre cases afin de remonter le moral de ses troupes, ou encore par l'image féerique du calife de Bagdad Haroun al-Rachid sous le règne duquel vivait le champion renommé As Suly, offrant un magnifique échiquier à l'occasion du couronnement de l'empereur Charlemagne. La passion du jeu d'échecs a envahi l'esprit d'un grand nombre d'illustres personnages, empereurs, rois et savants qui ne tarissaient pas d'éloges devant ce jeu qui fait le plus honneur à l'intelligence humaine. A l'exemple de Miguel de Cervantès Saavedra, le romancier, poète et dramaturge espagnol, captif des Turcs à Alger au 16e siècle qui affirmait que la vie était une partie d'échecs, ou du célèbre inventeur américain, Benjamin Franklin, qui écrivait en 1786, que le jeu d'échecs enseigne « la prévoyance, parce qu'ils obligent à anticiper ; la vigilance, parce qu'ils exigent que l'on observe tout l'échiquier ; la prudence, parce qu'il faut se garder de jouer des coups sans réfléchir ; enfin, nous y apprenons la plus importante leçon pour la vie : quand tout semble aller mal, nous ne devons jamais nous décourager, mais toujours espérer que les choses aillent mieux, toujours chercher résolument la solution de nos problèmes. » Avant lui, le Français François André Danican Philidor, avait déjà lancé sa célèbre maxime qui a traversé tous les âges : « Les pions sont l'âme des échecs. ». Un siècle plus tard, dans sa « lettre aux Français », l'illustre Emir Abdelkader confirmait que le jeu d'échecs est à la fois une allégorie philosophique et une invention scientifique. Il provoque la réflexion, accroît la puissance de l'esprit, distrait du chagrin, dévoile les caractères, donne une image de la guerre, montre dans quelle mesure la victoire contre un adversaire et le triomphe sur l'ennemi sont agréables, dans quelle mesure la défaite et l'abandon sont amers. Ainsi au fur et à mesure du déroulement inexorable du fil du temps, le jeu d'échecs a connu progressivement un engouement universel selon la grandeur et la décadence des civilisations, que de tournois ont été organisés depuis l'avènement du premier champion du monde officiel en 1886 l'Autrichien Wilhelm Steinitz, que de champions lui ont succédé, comme l'Allemand Emanuel Lasker virtuose de la psychologie aux échecs, le rusé cubain José Raoul Capablanca aussi limpide par son style de jeu que par ses petites combinaisons, le téméraire franco-russe Alexandre Alekhine auteur des plus brillantes combinaisons que l'histoire n'ait jamais connu, le Soviétique Mikhail Botvinnik, génie des techniques de préparation qui lui ont assuré un long règne sans partage, Boris Spassky, le Russe surnommé l'Ours blanc, qui disait que les échecs c'est comme la vie, l'Américain Robert James Fischer, champion de la « guerre froide » qui rétorquait que « les échecs c'est la vie », l'impassible Anatoly Karpov fin stratège ayant atteint un haut degré de l'harmonie dans le placement de ses pièces, et enfin l'ogre de Bakou Garry Kasparov dont les qualités englobaient celles de ses prédécesseurs. Dans le même sillage, des écoles avec des styles de jeu différents ont vu le jour partout dans le monde, des techniques de préparation ont été mises sur pied en vue d'accéder aux plus hautes cimes échiquéennes, des milliers de livres et de revues ont été édités, tout cela couronné par l'apport des ordinateurs avec des logiciels de plus en plus performants comme le monstre Rybka IV capable d'effectuer des milliers d'opérations à la seconde, de résoudre autant de combinaisons, sans pour autant arriver à cerner toutes les aventures contenues sur un échiquier, qui comme le dit l'adage échiquéen, sont aussi immenses que toutes les mers du monde !