Deux choses sont redoutées quand on prend le chemin d'une plage. La saleté des lieux et la peur de se retrouver au milieu d'estivants qui lorgnent le moindre bout de chair féminine. Sghirat, près de Boumerdès, ou Aïn Brahim, pas trop loin de Mostaganem, ne diffèrent pas des autres. Dans la première, des sachets noirs, des détritus surnagent au milieu des enfants et de femmes qui se baignent. Un peu partout, des poubelles sont disposées. Mais il suffit de s'éloigner de quelques mètres pour trouver un véritable cimetière de bouteilles en plastique. Les arbustes qui coiffent la butte aux alentours sont auréolés de sachets noirs. De loin, ils ressemblent à des corbeaux prêts à l'envol. Le deux-pièces a cessé d'exister dans cette plage au sable fin et propre. Il est seulement porté par quelques adolescentes. Certains bouillonnent de colère en voyant des femmes avançant dans l'eau, vêtues de robes et de hidjabs. Tel cet homme qui hoche sa tête en voyant deux maîtres-nageurs sortir des flots l'une d'entre elles en difficulté. Certaines ont pourtant l'air heureux. Sans cette tenue, elles n'auraient sans doute pas le droit, même si elles habitent à deux pas de la mer, d'y venir barboter. D'autres doivent éprouver le même sentiment face à d'autres femmes qui, toute honte bue, exposent leur nudité. Les reproches de part et d'autre sont muets. La plage a cessé d'être le lieu d'affrontements où un bout de tissu est exhibé comme l'étendard de la victoire. Il n'est plus rare désormais de voir sous une tente un barbu conter fleurette à sa dulcinée. Juste à côté, une sirène se dore au soleil ou répand avec application sur ses bras une crème sans que le voisin maugrée et s'emporte contre d'invisibles diables.