Tobrouk, Ajdabiya et Benghazi, les trois grandes villes de la Cyrénaïque, sont passées sous le contrôle des «insurgés». La province de l'est du pays retient son souffle. Pour sauver son régime, le désormais «infréquentable» Mouammar Kadhafi qui a de «l'argent et des armes pour lutter pour un temps », promet d'appliquer la politique de la terre brulée. Y compris détruire des installations pétrolières pour envoyer un message aux Libyens «c'est moi ou le chaos». Les premiers bilans, même si plusieurs militaires, dernier en date, le pilote qui s'est éjecté de son avion de chasse hier après son refus d'obéir à des ordres de bombarder la ville de Benghazi, sont alarmants. Tripoli avance 300 morts. Rome parle de plus de 1 000 morts. Un médecin français qui a réussi à quitter Benghazi évoque «plus de 2 000 morts» uniquement dans cette ville ! Ban Ki-moon évoque des crimes contre l'humanité. Herman Van Rompuy, le président de l'Union européenne, parle de «génocide». «Ces crimes ne peuvent pas rester sans conséquences», dit-il. Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, dit haut ce que tout le monde pense bas. «C'est un homme dérangé, malade, qui a parlé, mais aussi un homme dangereux», dit-il. Même Abdel Moneim al-Honi, le représentant de la Libye auprès de la Ligue arabe, ne croit plus en Kadhafi qu'il qualifie de «pire» que Saddam Hussein. «La fin du régime dans quelques jours, pas plus», dit-il. Signe des divisions au plus haut niveau du pouvoir, le ministre de l'Intérieur, Abdel Fatah Younes, s'est rallié mardi «à la révolution», après celui de la Justice, qui avait démissionné «pour protester contre l'usage excessif de la force» contre les manifestants. Plusieurs diplomates libyens en poste à l'étranger ont rejoint les anti-Kadhafi. Selon plusieurs analystes, la survie du leader libyen dépend du soutien des tribus et des clans. «Il faut observer si ces clans et tribus vont le désavouer et se détacher du régime comme le font les ambassadeurs ou s'ils vont lui rester fidèles», affirme Mansouria Mokhefi, une experte à l'Institut français des relations internationales. Autre inquiétude de Kadhafi : ses forces militaires. Sur les 45.000 hommes qui composent l'armée, il ne pourrait compter que sur 5000 loyaux. D'où ce recours à des mercenaires : 10 à 12.000 dollars pour chaque manifestant abattu. Ce n'est nullement un hasard si hier sur la place Verte, dans le centre de Tripoli, on ne dénombrait que quelques dizaines de manifestants pro-Kadhafi adeptes du discours enflammé et au ton belliqueux de leur leader. La communauté internationale qui re-découvre le «vrai» visage de Kadhafi ne prend plus de gants avec ce dernier. Elle mobilise tous les moyens pour évacuer massivement les ressortissants étrangers que Tripoli pourrait utiliser comme «boucliers humains». Certains pays annoncent des sanctions «concrètes» contre le clan du zaim libyen et au besoin la suspension des relations économiques et financières, voire l'arrêt des importations d'hydrocarbures et la rupture des relations diplomatiques comme l'a fait le Pérou. D'autres, convaincus que Kadhafi qui a refusé d'écouter tous leurs appels à la fin de la violence, n'accordera «aucune importance» à ces sanctions brandissent la menace d'une justice internationale et l'utilisation de la force pour l'empêcher d'exterminer son propre peuple. Le «roi des rois» qui estime que «la Libye va diriger le monde» un jour, semble condamné.