La situation était confuse vendredi en Libye, notamment sur le nombre de morts, au lendemain de violentes manifestations à Benghazi, à plus de 1.000 km de Tripoli, après le «jeudi de la colère». Selon des sources médicales, le nombre de morts serait de 16 au total depuis le début des manifestations mardi contre le régime libyen. Selon l'ONG Human Rights Watch (HRW), le bilan global des heurts entre manifestants et forces de sécurité qui ont tiré à balles réelles serait de 24 morts. A Benghazi, sur la Méditerranée, des soldats ont été déployés tôt dans la journée de vendredi, quelques heures seulement après des manifestations de milliers de personnes qui avaient passé une bonne partie de la nuit dans les faubourgs de la ville, demandant le départ du guide de la révolution libyenne, Mouammar El-Gueddafi, au pouvoir depuis 1969. Jeudi, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestants, descendus dans les rues de la ville pour le «jeudi de la colère». Aux premières heures de vendredi, le numéro un libyen, Mouammar El-Gueddafi, est apparu brièvement sur la place Verte, dans le centre de Tripoli, au milieu de centaines de ses partisans. Il a salué la foule, par le toit ouvrant de sa voiture, mais n'a pas pris la parole. Des manifestants pro-régime ont également défilé dans les rues de la capitale libyenne. Mais, ce qui a quelque peu inquiété l'opinion internationale, car ne s'attendant pas à de tels développements, c'est qu'à Benghazi et Al Baida, les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles contre les manifestants, selon le journal Kourina et des ONG. Ce journal privé, dont le siège est à Benghazi, publie des photos où l'on voit plusieurs personnes gisant sur des civières, avec des bandages ensanglantés. Un habitant vivant sur la principale artère de Benghazi, la rue Nasser, a déclaré vendredi matin que le calme était revenu dans la ville. Toutefois, a-t-il ajouté, «la nuit a été très difficile, il y avait beaucoup de monde dans les rues, des milliers de gens. J'ai aussi vu des soldats dans la rue». «J'ai entendu des tirs, a-t-il ajouté. J'ai vu une personne tomber, mais j'ignore combien il y a eu de victimes», raconte-t-il à une agence de presse occidentale. Citant un témoin, la BBC-radio rapporte aussi que des heurts se sont produits entre les manifestants de Benghazi et les forces de sécurité, qui ont tiré à balles réelles. Des médecins ont dénombré dix tués dans cette ville de plus de 700.000 habitants. Benghazi, Al Baida, villes martyres Les heurts de la nuit à Benghazi se sont produits aux abords du pont Giuliana. A Al Baida, une ville située à quelque 200 km de Benghazi, les affrontements entre manifestants, forces de sécurité et partisans d'El-Gueddafi ont été très violents, selon des témoignages, qui rapportent qu'il y au moins cinq morts. Jeudi, des centaines de «manifestants pacifiques» ont défilé dans les grandes villes de Cyrénaïque : Al Baida, Benghazi, Zenten, Derna et Ajdabiya, selon HRW, alors que des internautes avaient appelé sur Facebook à une «journée de la colère». Des protestations ont eu lieu également à Tobrouk, près de la frontière égyptienne. Des manifestants ont incendié un local des «comités révolutionnaires», bras politique du régime, et détruit un monument représentant le «livre vert», un «concentré» de la pensée politique du guide de la révolution. Selon HRW, les pires violences ont eu lieu jeudi à Al Baida, à 1.200 km à l'est de Tripoli. Jeudi vers 13h, le personnel de l'hôpital avait réclamé du matériel supplémentaire, se disant dépassé par l'afflux de 70 manifestants blessés, dont la moitié dans un état critique à cause de blessures par balles. Un manifestant blessé à l'hôpital d'Al Baida a confirmé à HRW que les forces de sécurité avaient tué 16 personnes dans cette ville et blessé des dizaines d'autres. Selon ce manifestant, les forces de sécurité et des civils armés ont tiré à balles réelles sur les protestataires. Saadi Gueddafi à Benghazi Le second fils d'El-Gueddafi, Saadi, qui avait joué un moment à l'AC Milan et des clubs italiens, aurait pris ses quartiers à Benghazi, où il est arrivé vendredi pour «prendre le commandement» de la ville, où un calme précaire régnait, après les manifestations de la nuit. Par ailleurs, les comités révolutionnaires, pilier du régime libyen, ont menacé vendredi les groupuscules manifestant contre le pouvoir d'une riposte «violente et foudroyante», prévenant que toute tentative de toucher aux lignes rouges serait un «suicide». A Paris, le Quai d'Orsay a annoncé vendredi le gel la veille des livraisons de matériel de sécurité à destination de la Libye et de Bahreïn. «Les autorisations ont été suspendues hier pour l'exportation de matériel sécuritaire à destination de Bahreïn et de la Libye», a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero. D'autre part, un grand nombre de détenus de la prison de Bengazi se sont évadés vendredi. «Il y a eu une mutinerie à la prison d'al-Kuifiya et un grand nombre de prisonniers se sont échappés», a déclaré le chef de la rédaction de Quryna, Ramadhan Briki. Selon lui, les détenus ont incendié par la suite le bureau du procureur général, une banque et un poste de police dans la ville.