publié le 18/02/2011 à 18:05 Confronté à des manifestations de rue sans précédent, en particulier dans la province rétive de Cyrénaïque, le régime du colonel Mouammar Kadhafi a riposté avec force, faisant des dizaines de morts. L'ONG internationale Human Rights Watch basée à New York a fait état vendredi d'au moins 24 morts ces dernières 48 heures, mais les organisations d'opposition et d'exilés avancent des bilans beaucoup plus lourds, pour le moment invérifiables. A Benghazi, deuxième ville du pays, située à l'est du golfe de Syrte, des milliers de Libyens ont manifesté jeudi soir au terme d'une « journée de colère » visant à protester contre la mort d'une vingtaine de manifestants tombés sous les balles des forces de sécurité depuis la veille. Celles-ci ont ouvert le feu à balles réelles durant la nuit, tuant sept autres manifestants, rapporte Kourina, un journal local proche d'un des fils du colonel Kadhafi, Saïf al Islam, qui publie des photos de victimes. Achour Ahamis, journaliste libyen basé à Londres, a déclaré que des insurgés avaient pris d'assaut vendredi la prison Kouwafiah de Benghazi pour libérer des dizaines de prisonniers politiques. Kourina précise qu'un millier de détenus s'en sont échappés et que 150 d'entre eux ont été repris. L'armée s'est déployée vendredi dans cette ville de 700.000 habitants située à un millier de km de Tripoli, où les jeunes qui s'insurgent contre Kadhafi, au pouvoir depuis 41 ans, s'inspirent ouvertement des révolutions ayant chassé deux autres autocrates en Tunisie et en Egypte voisines. Un autre fils de Kadhafi, Saadi, ancien footballeur dans des clubs professionnels italiens et responsable haut placé au sein des services de renseignement militaires, dirigerait en personne la reprise en main à Benghazi, ont déclaré à Reuters deux habitants de la ville. A Genève, deux groupes d'exilés libyens ont annoncé que la ville d'Al Baïda, sur la côté méditerranéenne au nord-est de Benghazi, était tombée « aux mains du peuple » après le ralliement d'une partie de ses policiers au soulèvement populaire. Mais ces deux groupes, citant leurs contacts sur place, ont précisé ultérieurement que les milices paramilitaires du régime avaient reçu des renforts. Epaulés par des chars, elles s'efforcent de reprendre le contrôle d'Al Baïda aux émeutiers. Les exilés font état de 35 morts et de centaines de blessés dans cette ville, où les insurgés exigent, eux aussi, le départ de Kadhafi, la liberté et la démocratie. Un habitant de Benghazi au fait de la situation à Al Baïda a confirmé à Reuters qu'il y avait eu là-bas « beaucoup de morts ». « Le peuple s'est armé avec ce qu'il a pu trouver. Nous craignons un terrible bain de sang », a déclaré Giumma al Omami, militant d'un mouvement libyen de défense des droits de l'homme basé en Suisse. Selon un autre exilé libyen à Genève, Fassi al Warfali, les insurgés, dont le slogan « Kadhafi, dégage! » est calqué sur celui de leurs homologues tunisiens à l'adresse de l'ex-dictateur Zine Ben Ali, ont incendié l'aérodrome militaire de Labardj, près d'Al Baïda, pour empêcher l'acheminement de renforts militaires. Aux premières heures de la matinée de vendredi, l'impétueux colonel, recordman africain de la longévité au pouvoir, est apparu brièvement sur la place Verte de Tripoli en voiture au milieu de centaines de ses partisans. Il n'a pas pris la parole. Le calme semblait régner vendredi dans la capitale, où, lors de la grande prière hebdomadaire, les prédicateurs ont invité les fidèles à ignorer les informations diffusées à l'étranger visant, selon eux, à semer la zizanie dans leur pays. « Assurément, il n'y a pas de soulèvement national », a déclaré Nomane Benotmane, un ancien opposant islamiste libyen exilé en Grande-Bretagne. « Je ne crois pas que la Libye soit comparable à l'Egypte ou à la Tunisie. » « Kadhafi combattra jusqu'à la dernière minute », a-t-il prédit, interrogé au téléphone de la capitale libyenne, où il séjourne actuellement. La Libye, qui assure la présidence tournante de la Ligue arabe, a annoncé qu'elle différait le sommet de l'organisation prévu en mars à Bagdad, au vu des « circonstances dans le monde arabe ». Mais le secrétaire général de la Ligue, l'Egyptien Amr Moussa, a affirmé que la réunion restait programmée et que toute décision d'annulation devait résulter d'une décision collective. Lectures: