Abdeslam, devenu vénérable grand-père aux cheveux grisonnants, nous accueille dans sa demeure de style mauresque, avec ses voûtes, ses arabesques, sa faïence et sa cour pavée au milieu de laquelle trône la fontaine. Là sur des nattes d'alfa, on nous servit le plat typique de la région, la fameuse tchakhchoukha à l'épaule d'agneau et aux divers légumes, dont le fenouil. Naâma signifie bonheur et prospérité, nous dit Abdeslam et ici la vie s'écoule paisible dans une région agropastorale qui pourrait nourrir non seulement ses propres habitants, mais une bonne partie des wilayas alentour. Pour peu qu'il y ait une véritable politique de relance agricole suivie et appliquée scrupuleusement. Naâma, c'est aussi un musée à ciel ouvert qui recèle de fabuleux sites archéologiques où foisonnent des gravures rupestres, des vieux ksour, la fameuse kalaâ (citadelle) de Cheikh Bouamama, la tombe d'Isabelle Eberhardt... Autant de lieux dits susceptibles d'attirer de nombreux visiteurs pour peu que les infrastructures d'accueil soient suffisantes, ce qui n'est pas le cas. Les sites de Rouis El Djir abritent des fossiles de dinosaures datant de... 175 millions d'années ! Pour l'heure, les visiteurs locaux se ruent sur l'oasis de Tiout, un immense espace tout de verdure respirant la paix et la sérénité, idéal pour le repos et la détente. Ce qui explique l'afflux de très nombreuses familles en temps de canicule, car l'endroit présentant un microclimat est tout de fraîcheur. Abdeslam gare sa voiture dans un parking aménagé et on ne peut échapper au gardien qui accourt pour toucher ce qu'il croit être son dû. Ils ont tous la même méthode pour vous signifier qu'ils vont vous taxer : ils vous guident et vous orientent avec l'empressement qui signifie que vous êtes sur leur territoire. C'est hélas cela le tourisme en Algérie, qu'il soit balnéaire ou de montagne. Des sites inégalables qui vous laissent pantois mais hélas livrés aux gargotes et autres marchands de brochettes sans oublier les gardiens des parkings et toute la faune de petits commerces qui font carrément outrage à la nature. A Naâma, il y a avec l'oasis de Tiout celles de Moghrar et d'Asla. Ainsi que les ksour de Sfissifa, Sidi Boutekhil et Aïn Sefra. Le site de Tiout a bénéficié d'un plan de développement qui a consisté à le doter d'un parc de loisirs et d'un réseau routier adéquat pour permettre une meilleure accessibilité. Sur le chemin du retour, Abdeslam s'arrête pour acheter des figues et du raisin muscat, « le meilleur d'Algérie », nous dit-il, car il pousse dans un climat idéal. Nous apprenons que d'éminents universitaires ont entrepris des études poussées sur la région steppique de Aïn Ben Khellil et sa zone humide Oglat Eddaïra susceptibles de générer le développement durable. Ces études sont restées sans suite... Quand nous arrivons en ville, il fait encore jour et les rues grouillent de monde en cette fin de journée caniculaire. Les terrasses des cafés ne désemplissent pas. Avec le crépuscule qui s'annonce, les larges avenues s'éclairent brillamment et la couleur ocre des maisons basses confère à la ville un aspect de cité du Sud. Avec ses arcades, sa mosquée aux murs couleur de sable, ses vastes trottoirs, Naâma est plus qu'accueillante, elle est conviviale. Le thé à la menthe est de mise dans cette région frontalière au cachet typiquement maghrébin. C'est l'identité des villes de l'Ouest, avec leurs habitations spécifiques qui tirent vers les murailles ocres, leur habillement à base de djellabas brodées pour les femmes et d'amples gandouras pour les hommes, leur gastronomie fortement épicée... Naâma réunit tous ces critères et il y a une sorte de sérénité chez ses habitants qui ont le contact facile et se plient en quatre pour vous renseigner. Demain, nous annonce Abdeslam, nous irons à Hammam Ouarka, ça va te faire le plus grand bien. Nous rentrons dormir laissant la ville à son animation coutumière. Pour ses promeneurs, « la nuit est longue à devenir demain ».