Pour quelles raisons le public algérien a déserté les théâtres ? Une défection qui a pris ces dernières années une dimension alarmante. Cette interrogation fut au centre d'une journée d'étude organisée, hier, au club M'hamed Benguettaf du Théâtre national algérien. Sous le thème « le théâtre et le public », la rencontre fut animée par des critiques de théâtre, des comédiens et des réalisateurs. Les conférenciers qui se sont succédé à la tribune ont tous évoqué un état des lieux déprimant. Des solutions et des suggestions devront être dégagées lors des quatre ateliers de travail installés à l'effet de remédier à la situation. Il sera débattu de la production artistique (depuis le texte jusqu'à la reproduction sur scène), d'aspects liés à l'information, la communication et la publicité. La gestion et la commercialisation du produit artistique, la coordination et l'échange d'expériences entre les différents acteurs et intervenants n'ont pas été omis. Mieux connaître le public La dualité théâtre-public a été longuement débattue par les participants, et chacun a donné son point de vue. Les avis étaient parfois contradictoires. Mais tous sont d'accord quant à l'enthousiasme de la période post-indépendance pour le quatrième art. Celui-ci s'est émoussé puis a quasiment disparu au fil des années. Le public boude désormais les salles de théâtre. Ahmed Cheniki, critique de théâtre, prône une révision radicale de l'organisation de l'institution, des activités théâtrales et culturelles dans la société, car la production théâtrale est un ensemble de métiers qui s'imbriquent les uns dans les autres. Selon lui, « les problèmes ne sont pas exclusivement inhérents au théâtre, mais dépassent cet espace ». D'aucuns s'accordent à dire que le théâtre est victime d'une mauvaise gestion. Le théâtre, mais aussi tous les domaines culturels, a connu une décadence ces 20 ou 30 dernières années, d'où la nécessité de revoir de fond en comble la stratégie culturelle nationale, selon de nombreux les participants. Aussi bien Hamida Aït El-Hadj, réalisatrice de théâtre que Ahmed Cheniki ont plaidé pour la formation des comédiens et des acteurs. « La formation est primordiale, il faut envoyer les gens se former à Milan ou Paris comme ce fut le cas dans les années 1960 ou accueillir des formateurs ici en Algérie. Il est des expériences européennes dont on ne peut se passer. Avant, le niveau était élevé dans les pays arabes et africains », a indiqué Cheniki en évoquant l'absence de la critique théâtrale. Hamida Aït-El Hadj suggère l'institution d'une politique claire de formation. « Il est vrai qu'il existe un problème de qualité, dit-elle, mais il faut également valoriser et promouvoir le travail fait par les étudiants, les docteurs et ceux qui reviennent de l'étranger avec des connaissances sur les expériences des autres pays. » « Nous ne sommes pas écoutés par les pouvoirs publics », dit-elle encore. Pour Brahim Chergui, réalisateur, « le public est un élément important dans l'industrie théâtrale, mais le problème est avant tout anthropologique et existentiel avant d'être social ou culturel ». Il faut détenir « les méthodes pour chatouiller le public, connaître ses attentes et ses angoisses », dit-il. Selon Makhlouf Boukrouh, « il existe une relation organique entre le théâtre et le public ». Mais en l'absence de données sur le sujet en raison de la fréquentation limitée et non organisée du public, il est difficile d'en parler », dit-il. A l'issue des travaux d'ateliers, des recommandations seront élaborées et transmises aux parties concernées.