Mercredi. Ecole des cadets de la nation de Blida. Il est 6h du matin, c'est l'heure du réveil des élèves, les cadets ou « Echbel El Ouma ». Tous les élèves se retrouvent à 6h10 dans la grande cour de l'établissement scolaire du cycle secondaire, un lycée militaire, pour une séance de sport matinal qui dure jusqu'à 6h30. Ensuite, les cadets rejoignent leur chambre pour l'hygiène corporelle jusqu'à 6h50. L'école s'est transformée en cette matinée en une fourmilière sous l'œil vigilant du commandant de l'école, le colonel Moumen. Le foyer est ouvert pour le petit-déjeuner jusqu'à 7h20. Vêtus d'uniformes des cadets, les élèves se regroupent en un rassemblement matinal dans la grande cour pour la levée des couleurs. Une petite marche au pas cadencé (militaire) est organisée chaque jour jusqu'à l'entrée au bloc pédagogique. « C'est une forme de sport aussi », a expliqué le chef du bureau des relations publiques de l'école, le capitaine Oubeida Berch, notre guide lors de cette visite. Ni gel, ni kératine, ni jean taille basse A 8h, tout le monde est dans les salles de cours, enseignants et élèves. Les cours débutent à 8 heures tapantes, le retard n'est pas toléré ni même l'absence non justifiée autant pour les professeurs que pour les cadets. « L'enseignant qui fait un retard de 5 minutes est soumis à un questionnaire », a-t-on expliqué. Le visiteur est attiré par la propreté des lieux, le calme et l'organisation. Le sérieux et la rigueur sont la marque de fabrique de cette école, notamment dans les classes. Le jeune âge des élèves est également surprenant ainsi que leur comportement. Ni coupe « zefta », ni kératine, ni gel aux cheveux, ni pantalon jean taille basse. « C'est strictement interdit par le règlement intérieur de l'école. » Tous les cadets portent l'uniforme : un pantalon classique bleu marine et une chemise bleu ciel, un béret bleu marine sur la tête. Le tablier blanc est obligatoire dans les travaux dirigés. Les salles de cours sont toutes climatisées et bien équipées. Les tables sont couvertes d'une nappe bleue, afin d'éviter tout gribouillage. L'entretien du matériel et des livres est obligatoire. Le nombre d'élèves est de 18 à 20 cadets dans une classe. Chaque élève a son propre ordinateur, a-t-on constaté lors de la visite des laboratoires de l'informatique et des langues qui disposent des logiciels les plus développés. L'enseignement se fait avec data show. Au niveau de cette école, l'usage des technologies et moyens ultramodernes est indispensable. A l'exemple du cours d'une classe 1re année sciences et technologie. Le dessin d'un plan d'habitation ne se fait pas avec le crayon, mais sur micro, a-t-on constaté sur place. Un cadet de Chlef était heureux d'avoir son propre PC. « Je fais mes cours et même mes devoirs à l'aise. Je ne suis pas obligé d'attendre que l'un de mes camarades libère le micro », a-t-il dit, souriant. Il en est de même pour les laboratoires de physique et de chimie. Tous les moyens sont disponibles dont une reproduction d'un cerveau humain. « Il suffit de formuler, la veille, une demande au magasin sur les besoins du cours et tout sera prêt le lendemain », a assuré Omar Makhlouf, professeur de physique. « Chaque élève a son PC. Le nombre ne dépasse pas 20 élèves, ce qui facilite l'assimilation. L'école a mis tous les moyens à notre disposition. Sincèrement, ce sont les conditions de travail qui m'ont encouragé à rejoindre l'Ecole des cadets », a-t-il affirmé. L'avis est partagé par une enseignante de mathématiques : « On n'a pas à se plaindre. L'effectif des élèves, la discipline et les moyens, la qualité de l'enseignement sont à l'origine des résultats excellents réalisés au niveau de ce lycée. Nous sommes avec des élèves très intelligents qui ont un niveau très élevé. Le professeur est le même, dans un lycée civil ou militaire sauf qu'à l'Ecole des cadets, il doit redoubler d'efforts parce qu'il s'agit de l'élite », a-t-elle précisé. Atika Ameuret, professeure d'anglais, considère que toutes les conditions sont réunies pour un meilleur rendement. « Nous travaillons très à l'aise, notamment avec des élèves disciplinés », se félicite-t-elle. L'école est dotée également d'une salle d'enseignement assisté par ordinateur. Des enseignants civils S'agissant de l'encadrement, le capitaine Berch a expliqué que l'enseignement est assuré par des professeurs civils. « L'Ecole des cadets formule ses demandes à la direction de l'éducation au mois de mai. La sélection se fait en coordination avec la directrice des études sur des critères précis, notamment l'expérience et l'avis de l'inspecteur et du directeur de l'établissement où exerçait le candidat. L'école dispose actuellement de 77 enseignants détachés », note-t-on. Les enseignants retenus bénéficieront d'une prime supplémentaire en plus du traitement versé par leur corps d'origine, l'éducation nationale. Les enseignants sont également soumis à des règles disciplinaires propres et suivis par la directrice des études, détachée du ministère de l'Education. 90 jours pour tester l'adaptation Par ailleurs, le cadet admis est soumis à une période d'adaptation de 90 jours. « Cette période lui permet de découvrir le lieu et de se familiariser avec ses futurs camarades », a fait savoir le médecin-chef de l'école, le capitaine Messaoudi Bentaleb. « Nous adoptons le dialogue et la communication avec les cadets, notamment les nouveaux qui présentent généralement des problèmes d'adaptation. Notre travail consiste à les rassurer. » L'école dispose d'une clinique équipée notamment d'une radio numérique et d'une salle d'hospitalisation. « Il faut savoir que l'une des conditions d'admission à l'Ecole des cadets est la bonne santé ainsi que l'adaptation physique. Nous n'avons pas de pathologies », insiste-t-il. Interrogé sur la nature des consultations médicales, le médecin a signalé des chutes lors de l'entraînement. Le capitaine Bentaleb est l'un des membres de la commission de sélection des candidats, composée de spécialistes en pédiatrie, ophtalmologie, médecine interne, chirurgie dentaire et psychologie. « La visite médicale a permis de détecter des maladies dont souffraient les candidats et que les parents eux-mêmes ignoraient, à l'exemple du souffle cardiaque, vue faible, nanisme ou même gigantisme. La psychologue est présente également dans cette école. Elle est sollicitée, par écrit, par les enseignants ou le surveillant général. « En cas de constat de trouble du comportement d'un cadet, on intervient. Généralement, il s'agit des nouveaux admis qui présentent des problèmes d'adaptation, ou ils sont timides ou au contraire turbulents alors que d'autres sont stressés à cause des examens », a expliqué Faïza Kharbi, qui assure un suivi psychologique permanent des élèves. « On est également sollicités en cas de résultats faibles. On recommande des cours de soutien avec la recherche des causes de cette situation », a-t-elle assuré. Le chargé des relations publiques, le capitaine Berch, a indiqué qu'une salle de détente et relaxation a été aménagée pour les candidats au baccalauréat, dans le cadre de la préparation psychologique à l'examen ainsi que l'intensification des séances de natation. Le lycée dispose d'une piscine semi-olympique, d'une salle omnisports et d'un stade pour la pratique du football, doté d'une pelouse synthétique de 5e génération. En effet, les cadets qui ont une moyenne annuelle au-dessous de 12,5/20 sont exclus de l'école, alors que ceux qui ont une moyenne de 12/20 au baccalauréat sont obligés de refaire l'année avec l'accord de leurs tuteurs. « C'est une école d'élite », a-t-on précisé. Enseignement et formation paramilitaires La directrice de l'enseignement et des études auprès de l'Ecole des cadets de la nation de Blida, Nadjia Bouzid, elle-même détachée, a tenu à préciser que l'école veille à dispenser un enseignement secondaire au même titre que les établissements scolaires relevant du ministère de l'Education nationale. Le cadet participe aux examens de fin de cycle organisés par le ministère de l'Education nationale en vue de l'obtention du diplôme du baccalauréat. Il bénéficie également du même calendrier des vacances scolaires. « Nous sommes responsables des cadets de 8h à 16h30 et des enseignants. La différence entre un établissement public et cette école, ce sont la discipline et la rigueur dans ce lycée-caserne. En outre, les devoirs et les compositions sont unifiés au niveau de l'école. Cela permettra également d'évaluer les cadets sur la base des résultats du premier trimestre, notamment les candidats au bac », a-t-elle soutenu. A l'instar des enseignants, cette responsable a affirmé qu'elle a choisi cette école pour sa discipline. Le conseil de discipline est tenu par l'administration militaire, en présence du doyen des enseignants. « Le cadet est auditionné sur un procès-verbal. La sanction peut aller jusqu'à la radiation, notamment s'il s'agit de manque de respect et de discipline vis-à-vis de l'enseignant ou d'un camarade. « Des enseignants ont été également radiés pour cause disciplinaire », a tenu à préciser le capitaine Berch. De son côté, le directeur de l'encadrement et la formation, le colonel Mustapha Meziane, a expliqué que le cadet est soumis également à une formation paramilitaire de 36 à 40 heures axée sur le civisme, le nationalisme et les notions élémentaires de la formation militaire adaptée et une éducation civique, dont l'objectif est d'inculquer au cadet certains des principes du règlement du service dans l'armée. « Le cadet ne touche pas aux armes », a-t-il précisé. Le quotidien d'un cadet de la nation En cas d'admission, le cadet sera astreint durant toute sa formation au régime d'internat et au port de l'uniforme. A 12h, le déjeuner. Les cours reprennent de 13h30 à 17h30 (heure du goûter). Les études du soir sont encadrées. Elles ont lieu de 18 à 20h. Le dîner, fixé à 20h, est suivi d'une période de détente. Le cadet est alors libre de rejoindre sa chambre. Par ailleurs, tout cadet a droit aux visites familiales, réglementées par une note particulière du commandant de l'école. Les week-ends et jours fériés ou en cas de force majeure, les élèves peuvent bénéficier de permissions de 36 heures. « Le commandant de l'école a fait une exception pour les cadets excellents. Ils peuvent bénéficier d'une permission de 48 heures. Par contre, les sanctionnés peuvent être privés de la permission et contraints de passer le week-end à étudier. C'est une mesure afin d'instaurer la discipline et le sérieux », a indiqué le directeur de la formation et de l'encadrement. Les cadets peuvent aussi participer aux excursions et autres activités planifiées chaque mardi après-midi, en fin de semaine et jours fériés. Pour les activités culturelles et sportives, il est mis à leur disposition une salle de musique, une salle de théâtre, un atelier de peinture artistique, une bibliothèque qui dispose de 11.151 ouvrages et 1.603 titres, une salle d'internet, une salle de jeux et loisirs, une salle de sport, des aires de jeux et une piscine ainsi que deux salles de dessin et de musique équipées. Par ailleurs, le téléphone est strictement interdit durant la journée. L'utilisation est permise de 20h à 22h. Les portables équipés de caméras sont interdits. Chaque section est composée d'une vingtaine de cadets encadrés par un sous-officier. A 22h30, c'est l'extinction des feux. L'école dispose aussi d'une bibliothèque à laquelle on accède avec une carte d'abonnement. En outre, deux salles d'internet dotées de 40 micro-ordinateurs, un cybercafé mis à la disposition des professeurs mais uniquement durant les heures creuses. Les élèves « Echbel » qu'on a rencontrés à Blida sont ceux qui ont décidé de poursuivre leurs études au sein de cette école, malgré l'éloignement de la famille et la rupture avec des habitudes quotidiennes. Malgré leur jeune âge, ils sont conscients de leur décision : avoir un enseignement de qualité et contribuer, sous la coupe de l'ANP, à la promotion de leur pays, ont-ils dit.
