Les 36 milliards de dollars annoncés par le Roi pour une hausse des salaires et des aides au logement, à l'éducation et à la culture, ne semblent plus suffire. Les Saoudiens, qui sont descendus dans la rue, à maintes reprises, notamment dans l'Est du Royaume où se concentrent les chiites, pour manifester contre le gouvernement et réclamer des réformes politiques (élection des 120 membres du Majlis al-Choura, libération des détenus politiques et liberté d'expression et de rassemblement), testeront demain, 11 mars», soit le jour de la création en 1996 à Londres du «Mouvement pour la Réforme islamique en Arabie» leurs forces. Outre cet appel à un «printemps de Riyad», les Saoudiens qui sont gagnés par la fièvre protestataire qui se répand dans la région, sont sollicités par deux pétitions qui circulent sur Internet. La première, lancée par 888 intellectuels, porte sur l'instauration d'une «monarchie constitutionnelle» et «la séparation des pouvoirs». La seconde, signée par des personnalités islamistes, réclame l'élection du Conseil consultatif, le renforcement de ses prérogatives et la fin du cumul par le Roi du poste de Premier ministre. Riyad qui multiplie les gestes pour apaiser la colère des chiites (10% de la population) – libération des manifestants arrêtés la semaine dernière et audience accordée par le roi Abdallah à une délégation de dignitaires de la province orientale de Qatif où il a envoyé un renfort de dix mille hommes pour prévenir tout soulèvement – a décrété que « les manifestations, marches ou sit-in» sont «contraires aux principes islamiques». Autorisera-t-elle demain sa police «à prendre toutes les mesures nécessaires contre ceux qui enfreignent la loi ou laissera-t-elle les 31.000 Saoudiens auteurs de l'appel lancé sur Facebook manifester, comme le lui recommandent Washington, son alliée majeure, et deux organisations de défense des droits de l'Homme, Amnesty International et Human Rights Watch ? Le Royaume qui suit de près les «protestas» qui se radicalisent chez ses voisins (Yémen, Emirats, Oman, Yémen, Bahreïn, Koweït) et la demande pour plus de droits politiques et d'autonomie qui prend de l'épaisseur à Djeddah, semble mûr pour le changement. Il connaît la même situation économique, démographique, sociale et politique. Même s'il est riche – la croissance de son économie pèse 430 milliards de dollars –, sa jeunesse, notamment les milliers de diplômés, demande du travail et…un changement politique. Les 36 milliards de dollars annoncés par le Roi pour une hausse des salaires et des aides au logement, à l'éducation et à la culture, ne semblent plus suffire. En réponse à ce cadeau royal, on peut lire sur les pages saoudiennes de Facebook, «l'homme ne se nourrit pas que de pain». Le Royaume wahhabite qui a affronté toutes les tempêtes sous le parapluie américain et offert le gîte et le couvert au Tunisien Ben Ali, est, avec ce vent de la révolte dans le monde arabe qui ne connaît pas de frontières, à la croisée des chemins. Soit il propose des réformes politiques, soit il va au-devant de troubles. Même si le Qatar qui se prévaut du rôle d'Al Jazeera donne des ordres pour que les événements qui secouent les pays du Golfe soient mis en sourdine.