L'écrivain algérien Lahbib Sayeh et son homologue français Jean-Christophe Rufin ont livré, vendredi au 21e Sila, leurs visions de l'écriture romanesque, nourries par les vicissitudes dans un contexte politique violent et la pratique de la médecine. Auteur respecté et reconnu par ses pairs, Lahbib Sayeh a témoigné du « traumatisme » subi après la « saisie » de son premier roman « Zaman Namroud » (Le temps de Namroud) et de son « exil » en 1994 dans le Sahara algérien en pleine violence terroriste, tout en développant son rapport à la langue arabe et à l'histoire de l'Algérie, à la lumière de ces évènements. Neurologue, ancien diplomate et actuellement membre de l'Académie française, Jean-Christophe Rufin a fait un parallèle entre les « regards » du médecin et celui du romancier. Il a également défendu une forme classique du roman et une écriture vouée à la « transmission du bonheur ». Ces deux auteurs, invités dans le cadre du programme « Estrade » du 21e Sila, ont partagé leur conception de l'art romanesque devant une vingtaine de personnes pour chaque conférence. Celle donnée par Lahbib Sayeh a été, toutefois, rehaussée par la présence des écrivains algériens Waciny Laredj et Zineb Laâouedj qui lui ont rendu un hommage appuyé et salué un « novateur », particulièrement dans le domaine de la langue romanesque. Ce renouvellement de l'arabe dans le roman, par l'utilisation d'une « langue intermédiaire, proche de la ruralité » pour dénoncer le « tribalisme » a été une des raisons, a expliqué Sayeh, de la « saisie de tous les exemplaires » de son premier roman. « Ce livre (« Zaman Namroud ») a été le premier roman à affronter le pouvoir du parti unique. J'ai été cerné chez moi par des jeunes remontés, ceux-là mêmes pour qui, en tant qu'homme de gauche, j'avais écrit avec cette langue particulière », a dit Lahbib Sayeh en évoquant, avec émotion, l'incident qui lui a valu une rupture avec l'écriture durant treize années. Paru en 1985, « Zaman Namroud » se lit comme une critique sociale et politique de l'Algérie des années 1970. Se déroulant dans la ville de Saïda, il se distingue par son utilisation de la langue populaire algérienne. Outre ce premier roman, Lahbib Sayeh a également parlé de ses expériences linguistiques dans son roman « Tilka El Mahabba » (Cet amour), inspiré du parler d'Adrar (sud de l'Algérie) et du soufisme, ainsi que du rapport entre l'histoire de la guerre de libération et la décennie de violence terroriste, développé dans son dernier livre « Colonel Zbarbar ».