L'Afrique auquel l'initiative du NEPAD entend donner corps risque d'être dans une posture similaire à celle des personnages de Samuel Beckett dans «En attendant Godot». Pourtant, l'Afrique se porte mieux qu'avant, ayant vécu une décennie de bonne croissance et montré une capacité de résistance à la crise économique mondiale A son avènement, le NEPAD se traçait pour objectif de combler le fossé qui isole économiquement et socialement l'Afrique des pays développés. Action réfléchie qui étend ses préoccupations, au-delà de la nécessaire, mais non suffisante affectation de financements à la réalisation des projets dont l'Afrique a besoin, vers la recherche des moyens de sortir de la marge de la globalisation dans laquelle le monde l'a placée. Cela au point que ce grand continent, pourtant riche en ressources naturelles et humaines, ne représente que 1,7% du commerce international. Dix années plus tard, et deux années après une crise économique mondiale qui a freiné, sans l'anéantir, l'élan de croissance africaine, le NEPAD, en tant qu'ultime initiative panafricaine en vue de sortir le continent du sous-développement, est à l'heure des bilans et du renouveau en matière de propositions susceptibles de revivifier ses ressorts et lui donner de nouvelles chances de rebondir pour sa deuxième décennie. En voyant le jour, le NEPAD semblait être une initiative panafricaine dont la source de financement devait être occidentale. Ce qui encore une fois liait les espoirs africains à la perspective peu probable d'un respect, par les pays les plus riches, de leurs engagements de soutenir financièrement le développement de l'Afrique, par-delà les actions de sauvetage et de solidarité humanitaires. A trop donc dépendre des fonds jamais disponibles des pays riches, le développement de l'Afrique auquel l'initiative du NEPAD entend donner corps risque d'être dans une posture similaire à celle des personnages de Samuel Beckett dans «En attendant Godot». Pourtant, l'Afrique se porte mieux qu'avant, ayant vécu une décennie de bonne croissance et montré une capacité de résistance à la crise économique mondiale ; ce qui donne davantage les chances au NEPAD de se donner un souffle nouveau qui soit celui de cette Afrique qui semble confirmer de plus en plus sa place, chèrement payée, de nouveau pôle de la croissance mondiale. C'est cela, pour rappel, que le Président Bouteflika mettait en avant il y a quelques mois en Libye, à l'occasion du dialogue euro-africain. Le chef de l'Etat avait mis en exergue le rôle important que l'Afrique serait à même de jouer pour la redynamisation de la machine économique du Vieux continent qui souffre toujours d'un grave déficit de croissance, et invité l'Europe à profiter de cette vitalité africaine en investissant et en pariant sur le développement de l'Afrique. DES RESULTATS ET DES CONSTATS CONCRETS Les constats négatifs et positifs sur les avancées africaines qui ont été établis à l'occasion de ce dixième anniversaire du NEPAD ne sont pas dans une relation de contradiction, mais bien le fait d'une complexité et d'une complémentarité des perceptions. Cela est d'autant plus vrai que même les déclarations d'insatisfaction par rapport au parcours de dix ans ont consisté dans des lectures dépassionnées de faits et d'éléments concrets avec en alternative une série de propositions et de préconisations données comme les solutions appropriées aux lacunes et inadéquations. Ces constats concrets ont été dans la bouche du Président de la Commission de l'Union africaine aussi bien d'ordre financier qu'organisationnel. Le défi du NEPAD et tout autant celui des pays africains est de pouvoir imaginer des montages financiers innovants qui permettent de réunir les fonds nécessaires à la réalisation des grands projets structurants qui manquent cruellement à l'Afrique. Il s'agit, bien entendu, de projets d'interconnexion des réseaux électriques, gaziers, routiers et autres infrastructures hydrauliques. Autrement dit, les bases incontournables du développement social et économique qui connaissent un grand déficit en Afrique, hypothéquant tous les efforts de développement social et humain. Du point de vue organisationnel, le NEPAD, vecteur de tant d'ambitions, ne peut plus fonctionner sans une structure appropriée pour son agence afin de lui permettre d'exécuter aisément son nouveau mandat. Mais à considérer les différentes interventions, il semble évident que les perspectives africaines de développement doivent d'être sombres à des réalités de gestion et à des phénomènes liés au sous-développement, à la mauvaise gouvernance et leurs symptômes, comme c'est le cas de la fuite des capitaux, de la corruption et de la non-insertion des catégories majoritairement jeunes dans la machine de développement. Ces perspectives sont, pourtant, prometteuses et même brillantes quand on considère le potentiel africain, celui humain, des ressources ainsi que de la croissance économique. UN BILAN ENCOURAGEANT … Quand on pense que la croissance en Afrique pourrait prochainement flirter avec les 8%, il y a de quoi avoir hâte à cet horizon. C'est que de plus en plus, l'Afrique apprend à attirer les investissements et à mobiliser les partenaires du monde entier. Ce n'est pas encore une constante dans le processus de redressement de l'Afrique, mais il s'agit d'une amélioration sensible qu'il faut espérer voir évoluer dans les années à venir. C'est en partie pour cette raison que le Président Bouteflika a développé la vision la plus optimiste concernant le passé et l'avenir du NEPAD. Les autres raisons sont nombreuses, dont celles qu'il faut voir à travers l'amélioration du dialogue entre l'Afrique et l'Occident, donnant plus de lisibilité politique au devenir africain à travers des engagements démocratiques et de bonne gouvernance, à travers la place, promue par le NEPAD, de l'agriculture «redevenue un centre d'intérêt dont le poids dans la coopération pour le développement s'est redressé après une longue période de déclin», à travers la place du développement humain promu au rang de priorité stratégique dans le cadre des actions du NEPAD, mais aussi dans le cadre des affectations budgétaires nationales, voire même dans le cadre des programmes des institutions internationales. L'Afrique, continent jeune par excellence, doit absolument intégrer ses jeunes dans la machine économique. Donner du travail à la majorité est le seul moyen de mettre à contribution les forces vives des nations africaines dans la concrétisation du développement tant attendu. Le chômage est en effet l'un des fléaux qui minent le continent, favorisant une fuite des cadres qui aggrave encore plus le sous-développement en privant l'Afrique de ses compétences. Fuite des cadres, mais également fuite des capitaux. Les montants sont de loin supérieurs à ce que l'Afrique attend des pays les plus riches dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement. La solution est tributaire de la pérennisation et du renforcement des différents processus démocratiques nés un peu partout en Afrique, qui devraient permettre un meilleur fonctionnement des institutions des Etats africains dans leurs efforts de lutte contre la corruption, le détournement des fonds et l'accaparement des plus grandes richesses du pays par les entités transnationales. Autrement dit, l'Afrique a besoin, pour combler le retard qui la sépare du monde développé, de se débarrasser de toutes les sources et de tous les symptômes du néo-colonialisme.