Le tout Norvége, touché de plein fouet par la montée de l'extrémisme religieux, a vécu l'horreur du terrorisme sans frontières. La terreur à visage religieux a changé de camp pour révéler le projet démentiel des apôtres du «conflit de civilisation». Le Norvégien, Anders Behring Breiving, honni par le père, n'est pas plus «dément», comme tente de le suggérer son avocat, qu'il n'est le bras armé d'une organisation parfaitement structurée et disposée d'une idéologie xénophobe et raciste. Le manifeste de 1.500 pages en fait foi. L'auteur du double attentat qui a fait 76 morts qui déclare sa haine de la démocratie et tous ceux qui la défendent part en guerre contre l'Islam et le marxisme en Europe. Selon son avocat, Geir Lippestad, le «chevalier templier» a la certitude que «cette guerre va se poursuivre pendant 60 ans et que dans 60 ans, cette guerre sera gagnée». Il a reconnu que, contrairement à la thèse de «l'acte isolée», le terrible carnage qui a frappé la Norvège, a révélé l'existence de «deux cellules en Norvège et de plusieurs cellules à l'étranger» mobilisées pour «sauver la Norvège et l'Europe de l'ouest face à une invasion musulmane». L'esprit de croisade ouvertement revendiqué participe du déclin de l'Occident en perte de valeurs identitaires et rongée par la crise multidimensionnelle, économique, sociale et culturelle. L'islamophobie et la chasse à l'immigration, présentée en alibis rêvés, pullulent dans l'Europe de la décadence, particulièrement symbolisée par le lepénisme conquérant et inspirant la majorité française. En Norvège, son alter ego prend la forme du parti d'extrême droite hollandais, le PVV (parti pour la liberté) de Geert Wilders présent en force à la chambre basse du parlement avec 24 sièges sur les 150. Dans un communiqué publié sur le site Internet de son parti, le chef de file de l'extrême droite qui a reconnu «le camouflet» engendré par le massacre de son affidé Anders Breivik, proclamant son allégeance dans le manifeste, tente de se dédouaner. Il se dit «révulsé» par la référence au PVV et «décline toute responsabilité» de son parti ou de lui-même dans la tragédie qu'il attribue à un «psychopathe solitaire timbré». Pour ce «démocrate dans l'âme», le refus de la violence pour la conquête du pouvoir se devait de dispenser celui qui a appelé, tout comme le psychopathe en arme, à la lutte contre «l'islamisation» des Pays Bas de toutes les accusations criminelles. Il a été néanmoins interpellé par la presse néerlandaise qui lui a demandé de clarifier son discours sur la lutte contre l'islam en Europe pour éviter que le carnage en Norvège ne fasse des émules. «Il est temps que Wilders explique comment il entend donner forme à sa lutte contre la décadence de l'Europe», avait écrit, entre autres, le quotidien progressiste NRC Next, montrant du doigt le «flou exaspérant» entretenu à ce sujet par l'idéologue du PVV, Martin Bosma. Le syndrome norvégien prépare-t-il la déferlante de l'extrême droite en Europe ?