Cette bataille représente l'une des batailles les plus importantes survenues durant l'expansion du second califat islamique, celui de Omar ibn al-Khattab (1). C'est en effet à Al Qadisiyyah qu'eut lieu un engagement décisif entre les Perses sassanides et les Arabes musulmans, et qui aboutirait à la conquête de la Perse par l'armée du calife Omar. PREPARATION DE LA BATAILLE CÔTE MUSULMANS Omar ibn al-Khattab porta son attention sur la Perse à partir de l'an 636. Après un petit nombre de succès et de revers, Omar prit la décision de confier son armée à son meilleur général, et l'un des compagnons du Prophète de Dieu (QSSSL), Sa'd ibn Abi Waqqas (2). Ce dernier était également un homme respecté au sein du clan des Quraychites, ce qui permit à Omar de l'envoyer à la tête d'une grande armée à destination de l'empire sassanide. Sa`d ibn Abi Waqqas quitta Médine pour Th'alabah ou Zardu. De là, il rejoint Khufa avec un autre commandant, Muthanna de Dhiqar, avec 8.000 hommes, dont 6.000 étaient de la tribu de Bakr bin Wayil. Muthanna était censé rejoindre Sa'ad à Sharaf, mais mourut des suites de blessures infligées durant la bataille de Jasr. Sa'ad fut néanmoins rejoint par Mu'ama, le nouveau commandant de l'armée de Muthana et également son frère. La force totale déployée par l'armée musulmane s'élevait à environ 25.000 hommes. Parmi les notables des divers clans regroupés, incluant ceux mis sous le commandement de Sa'ad, il y avait 70 vétérans de la bataille de Badr. 300 personnes avaient même participé au serment sous l'arbre (3). De nombreux autres avaient participé à la conquête de la Mecque et 700 étaient des descendants directs de compagnons du prophète Mohammed (QSSSL). Sa'ad était encore à Sharaf quand le calife Omar lui envoya comme ordre de faire une halte à Al Qadisiyyah plutôt qu'à Kufa ; Al Qadisiyyah était une petite ville située à 48 kilomètres de Kufa. En arrivant à Al Qadisiyyah, l'armée musulmane apprit que l'armée perse sous les ordres de Rostam Farrokhzad avait quitté la capitale de Al-Mada'in. Le calife Omar dépêcha un envoyé à Sa'ad lui demandant d'envoyer une ambassade avec pour instruction d'inviter les Perses à embrasser l'Islam. 14 personnes, avec à leur tête N'uman bin Maqran, furent envoyés à Al-Mada'in pour rencontrer l'empereur Yazdgerd III. Malheureusement, les pourparlers échouèrent, et Yazdgerd III finit même par insulter un de ses hôtes, Asin bin Omar, en lui renversant un seau de terre sur la tête en signe de mépris. PREPARATION DE LA BATAILLE CÔTE PERSE Les sources musulmanes rapportent que les Perses étaient particulièrement bien informés et préparés pour la bataille qui allait être livrée. Rostam Farrokzad, qui était basé à Sabat, planifia une attaque totale. Dans le même temps, certains Perses quittèrent les rangs musulmans. Parmi eux, Jaushan Mah, qui était le chef de la garnison chargée de surveiller la frontière. Après plusieurs jours, Rostam se rendit à Al Qadisiyyah pour y camper. Rostam n'était pas de ceux qui souhaitaient répandre le sang inutilement, aussi il décida de rouvrir des négociations de paix avec les musulmans. Sa'ad envoya Rabi bin Amir et plus tard Mughirah bin Zurarah. Les négociations continuèrent les unes après les autres et de nombreux ambassadeurs vinrent de chaque camp, la dernière étant conduite par Mughirah bin Zurarah. On rapporte que Rostam fit preuve d'une telle impolitesse et d'une telle arrogance vis-à-vis de son hôte que les deux hommes commencèrent vite à échanger des paroles d'intimidation, et Rostam finit par annoncer avec colère qu'il allait lui-même détruire toute l'Arabie dès le lendemain. Les négociations étaient terminées, et Mughirah retourna donc au campement musulman. Rostam se préparait dorénavant pour la guerre. Il prit tout son temps pour placer ses troupes sur le champ de bataille, et pris la précaution de déployer des éléphants de guerre perses sur les ailes de son armée, qui représentaient alors l'épine dorsale de l'armée perse, et contre qui les arabes n'avaient jamais encore combattu. Beaucoup d'arabes n'avaient même encore jamais vu d'éléphants auparavant ! Rostam plaça également des troupes entre la capitale et son armée afin de prévenir l'empereur de la progression de la bataille (1) Se référer à notre article sur ce compagnon du Prophète de Dieu (QSSSL) et second calife de l'Islam (2) L'un des grands compagnons du Prophète Mohammed (PBSL) (3) Se référer à notre article sur le pacte d'Al Hudaybiyah et le serment sous l'arbre UNE BATAILLE DE QUATRE JOURS Sa'ad ne participa pas lui-même à la bataille, car il souffrait de sciatique, mais il commanda son armée depuis le vieux château de Udhayb, situé à l'extrémité du champ de bataille, et donna ses ordres à son général, Khalid ibn ‘Artafah. Le premier jour : Sa'ad ordonna aux musulmans de charger l'armée perse. Rostam, voyant les musulmans se précipiter vers ses troupes, ordonna aux éléphants d'attaquer la cavalerie de Bahilah, la plus importante et la plus distinguée parmi les cavaleries arabes. Les chevaux arabes, effrayés par les éléphants, devinrent incontrôlables. De même, l'infanterie musulmane commença à trembler. Sa'ad voyant cela, ordonna à la cavalerie commandée par Talaiha, de partir à la rescousse de la cavalerie de Bahilah. Il ordonna ensuite aux archers et aux lanciers de la tribu de Tamim de venir en aide à la cavalerie de Talaiha. Grâce à leurs flèches enflammées, ils purent se débarrasser de quelques soldats montés sur éléphant. La bataille continua jusqu'à la tombée de la nuit et les hommes regagnèrent leur camp. Les chroniqueurs arabes appelèrent ce jour «Yaum-ul-Armah» Le deuxième jour : Sa'ad remarqua un nuage de poussière venant de la route vers la Syrie. Il comprit alors que des renforts venaient d'arriver, et cette colonne permit d'augmenter les forces arabes de 6.000 hommes. Q'aqa était au commandement de l'avant-garde, et arriva le premier sur les lieux de la bataille. En arrivant, Q'aqa s'adressa aux Perses et provoqua un combat singulier qui aurait l'audace de s'avancer, et terrassa rapidement son premier adversaire, un commandeur perse très respecté de ses troupes. Ceci marqua le début d'une série de combats singuliers dans lesquels nombre de combattants de chaque côté furent impliqués, et qui marqua la mort de nombreux importants généraux perses. Une bataille générale s'amorça ensuite, et Q'aqa ordonna à ses troupes de venir aux fronts de façon progressive, afin que les Perses aient l'impression d'un combat sans fin. Voyant que les éléphants devenaient une menace sérieuse, Q'aqa décida d'affubler les chevaux et les chameaux musulmans de costumes à l'apparence bizarre afin d'effrayer les éléphants perses. L'issue de la bataille resta indécise pendant toute la journée. Le troisième jour : Q'aqa trouva un nouveau stratagème pour engager le combat. A la tombée de la nuit, il ordonna à une escouade de cavaliers et de soldats de camper près de la route vers la Syrie. A l'aube, 100 cavaliers accompagnés du reste du groupe devaient fondre sur l'ennemi par vagues successives, donnant l'impression de nouveaux renforts, ce qui contribua à troubler fortement le moral perse. Rostam, comprenant les erreurs qu'il avait faites les jours passés, décida de poster une infanterie près de ses éléphants de guerre, dont les ordres étaient de dévaster l'armée musulmane. Sa'ad, inquiet du sort réservé à son armée, donna comme conseil à ses hommes de viser les yeux des éléphants. Parmi les éléphants perses, deux se distinguaient particulièrement par leur accoutrement du reste de la troupe, dont ils semblaient être les leaders, et furent nommés Abyad et Ajrab par les arabes. Q'aqa et deux de ses fidèles lieutenants reçurent l'ordre de Sa'ad de se débarrasser de ces éléphants, ce qu'ils parvinrent à accomplir, après les avoir encerclés avec leurs troupes. Qa'sa et un soldat arabe crevèrent les yeux de Abyad, et Qa'sam plongea son épée dans le cou de la bête qui finit par succomber. Deux autres généraux arabes s'occupèrent de tuer Ajrab. Les autres éléphants, voyant leurs leaders succomber, se dispersèrent dans une panique générale, piétinant de nombreux soldats perses. Les musulmans continuèrent à se battre pendant la nuit, qui fut appelée «Lailat-ul-Harir» ou «La nuit du grondement». Ce troisième jour de bataille porte également le nom de «Yaum-ul-‘Amas» Le quatrième jour : A l'aube du quatrième jour, une tempête de sable souffla, balayant le visage des soldats perses. Rostam réorganisa ses troupes et Sa'ad décida de faire de même, mais la cavalerie musulmane chargea avant qu'il ait pu finir de transmettre ses ordres. Ceci fut du à l'impatience de Q'aqa, et les cavaliers musulmans se retrouvèrent face à un véritable mur formé par l'armée perse. La bataille s'éternisa jusqu'au coucher du soleil et continua de nuit. Chaque camp était extrêmement fatigué, et Q'aqa décida avec d'autres chefs de clans de trouver une solution rapide au conflit, en projetant de s'attaquer directement à la personne de Rostam. Les musulmans finirent par attirer Rostam sur le champ de bataille, ce dernier se voyant obliger de prêter main-forte à une partie de son armée. Il fut alors capturé par un guerrier arabe du nom de Hilal ibn ‘Ullafah qui lui trancha la tête avant de la montrer aux soldats perses, non sans clamer : «Par le Dieu de la Ka'ba ! J'ai tué Rustam ! Je suis Hilal ibn ‘Ullafah» Ceci porta un coup décisif à l'armée perse, qui rompit les rangs, non sans essuyer de sérieuses pertes. Les combattants musulmans ayant pris part à cette bataille jouirent d'un grand prestige au sein de la Oumma, et devinrent connus sous le nom de «Ahl Al Qadisiyyah». Après un bref siège, la capitale Al Mada'in, abandonnée par Yazdgird qui fuyait à l'est, tomba aux mains des musulmans qui continuèrent leur poussée vers l'est et finirent par envahir la Perse toute entière.