L'ombre du général rebelle, exécuté par les siens dans des conditions troubles, continue de peser lourdement sur le devenir d'un mouvement porté à bout de bras par la coalition occidentale et érigé en représentant unique du peuple libyen. Le mythe de la «Libye libre», assimilé à bien des égards au «free Iraq» du projet impérial désastreux, a volé en éclats, révélant les schismes profonds qui minent les fondements du ténébreux Conseil national de transition (CNT), l'absence de toute forme d'organisation et de représentativité. Dans le réduit de Benghazi, il apparaît clairement que les luttes de leadership structurant le mouvement insurrectionnel à plusieurs visages sont à la base de la liquidation du général Abdelfattah Younès rappelé par le CNT d'El Ajdabia pour être exécuté en cours de route par les miliciens du Groupe de combat islamique libyen (LIFG) affilié à la Brigade des martyrs du 17 Février. Si le mobile de la vengeance contre l'ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi a été souligné, le poids des dissensions internes ont rendu aléatoire le fonctionnement de la commission d'enquête incapable jusque-là à rendre un quelconque verdict. Cette déliquescence et l'opacité qui entoure le fantomatique CNT que seule l'omerta médiatique des nouveaux conquistadors empêche d'apparaître au grand jour trouve sa pleine expression dans le délitement en cours. L'hémorragie a atteint le cœur du CNT perdant en grand nombre des représentants en fuite en Turquie. La purge a mis fin aux illusions d'une alternative voulue crédible. Le président du CNT, Moustapha Abdejalil, n'a pas attendu la conclusion de ladite commission d'enquête pour signifier la dissolution du gouvernement. La cause : des «erreurs administratives graves» et «l'insuffisance de la performance de certains membres du comité exécutif». Tout un programme pour un piètre spectacle.