Nous avons dit, dans notre précédente édition, que tout ce qui garantit une vie descente se résume, en règle générale, dans la préservation de cinq éléments vitaux que sont : la foi, la vie, la raison, les biens matériels et la dignité. Ce que les théologiens appellent «les vocations majeures de la révélation». Nous avons bien précisé, également, que ceci concerne autant les musulmans que les non musulmans vivant en terre d'Islam. La question qui se pose maintenant est la suivante : qu'est-ce qui montre, si l'on se réfère aux textes, l'intérêt que porte la religion à ces cinq éléments ? Je dirai que pour préserver la foi, il a été rendu obligatoire de se conformer aux préceptes de la religion, en l'occurrence les cinq piliers de l'Islam, selon un mode très strict édicté par Dieu. Il a aussi été rendu obligatoire d'appeler les gens à adhérer à ces préceptes par la persuasion et non par la force afin que l'adhésion à la foi se fasse sur des bases solides, Dieu dit dans Sourate E'nnahl : «Appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur par la sagesse et la bonne exhortation. Et discute avec eux de la meilleure façon.» Il a, enfin, été rendu licite de défendre cette foi par tous les moyens qui garantissent sa pérennité. Pour préserver la vie, l'Islam nous exhorte, en un premier temps, à la susciter et à la perpétuer par la procréation sous le signe du mariage, il nous recommande, ensuite, de l'entretenir par l'alimentation et la médication, Dieu dit : (El Aêraf 7/31) «Et mangez et buvez ; et ne commettez pas d'excès, car Il [Dieu] n'aime pas ceux qui commettent des excès», et pour ce qui est du devoir de se soigner, le Prophète (QSSSL) a dit, dans un hadith rapporté par Boukhari et Ahmed d'après Oussama Ibn Charik (DAS), «Ô gens ! Soignez-vous car Dieu n'a fait descendre de maladie si ce n'est avec son remède». L'Islam nous recommande, enfin, de la défendre contre tout ce qui peut lui nuire et de punir ceux qui la mettent en péril. Pour préserver la raison, tout ce qui peut entraîner sa perte ou sa diminution, ne serait-ce que de manière ponctuelle, a été décrété interdit, comme l'usage de l'alcool ou des stupéfiants. Dieu dit (Baqarah 2/219) : «Ils t'interrogent sur le vin et les jeux de hasard. Dis : dans les deux il y a un grand péché et quelques avantages pour les gens ; mais dans les deux, le péché est plus grand que l'utilité». Tout comme il a été rendu obligatoire de punir l'usage de ces produits. Pour préserver les biens, l'Islam a rendu licite la propriété par les moyens légaux tels que le travail ou le négoce, Dieu dit (Baqarah 2/275) : «Dieu a permis le commerce et interdit l'intérêt.» Il a interdit le vol, la fraude ou la spoliation, et a exigé la punition de celui qui porte atteinte à la propriété d'autrui par l'un ou l'autre de ces moyens. Et pour préserver la dignité, l'honneur de tout être humain, quelle que soit sa religion, a été décrété sacré, Dieu dit (El Isra 17/70) : «Nous avons, en fait, honoré les fils d'Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures.» Aussi, la médisance est abhorrée, et l'atteinte à l'honneur est sévèrement punie. Notons que ce que nous venons de citer, à propos des objectifs majeurs de la loi divine, ne concerne qu'un degré de concrétisation dit «dharouri», c'est-à-dire que nous ne sommes là que dans ce qu'il nous est vital de concrétiser, et que sans ce minimum, la vie, sur terre, ne serait que synonyme de chaos car la nature humaine a, elle aussi, ses droits. Dans un hadith rapporté par Muslim d'après Abdullah Ibn Masôud, le Messager de Dieu (QSSSL) a dit : «N'entrera pas au Paradis celui qui a dans son cœur le poids d'un atome d'orgueil.» Un homme lui dit : «On aime pourtant avoir un bel habit et de belles chaussures.» L'homme en question faisait allusion au penchant des gens pour ce qui est ostentatoire, ce qui est perçu par beaucoup comme un manquement à l'éthique musulmane. Le Prophète (QSSSL) lui dit alors : «Dieu est beau et il aime la beauté. L'orgueil, c'est le fait de refuser la vérité venant des autres et de les mépriser.» Dans un autre hadith, rapporté par Boukhari et Muslim, Anas (DAS) dit que trois personnes vinrent chez les femmes du Prophète (QSSSL) pour les interroger sur la façon dont le Prophète (QSSSL) adorait Dieu. Quand elles les en informèrent, cela leur sembla peu. Ils dirent : «Que sommes-nous par rapport au Prophète (QSSSL) alors que Dieu lui a déjà pardonné tous ses péchés passés et futurs ?» L'un d'eux dit : «Pour ma part, je m'engage toujours à passer toutes mes nuits en prières.» L'autre dit : «Et moi, je m'engage à jeûner sans interruption toute ma vie.» L'autre enfin dit : «Moi, je m'engage à ne jamais me marier.» Le Messager de Dieu (QSSSL) vint alors à eux et leur dit : «Est-ce bien vous qui avez dit ceci et cela ? En vérité, par Dieu, je crains Dieu bien plus que vous, mais je jeûne un temps et je mange un autre. Je prie une partie de la nuit et j'en dors une autre et j'épouse les femmes. Celui qui se détourne de ma voie n'est pas de ma communauté». Ces deux hadiths montrent, à ne point laisser de doute, qu'une bonne conformité à la religion ne consiste pas à se priver ou à se fixer un ensemble d'interdits, mais à agir, en premier lieu, dans le bon sens, et de faire en sorte que l'action soit compatible avec la loi et en adéquation avec la nature humaine. C'est pour cela que les théologiens s'accordent à dire que la concrétisation des objectifs majeurs de la loi divine ne se limite pas uniquement à ce qui est vital «dharouri», mais va jusqu'à assurer ce qui est nécessaire dit «hadji», et même facultatif ou «tahsini». Pour bien comprendre tout cela, nous dirons que s'il est vital pour un homme de porter des vêtements afin de cacher sa nudité, nous sommes là dans un degré de nécessité absolue «dharouri», il est nécessaire «hadji» que les vêtements en question soient de bonne qualité, ne serait-ce que pour faire face à l'épreuve du temps, même s'ils doivent coûter plus cher que des vêtements ordinaires, ce qui n'est pas du tout perçu comme une forme de gaspillage, tout comme il n'est pas contraire à l'éthique, tant que l'on ne fait pas preuve d'ostentation, de chercher à se parer des plus beaux habits ou d'en avoir plusieurs, ce qui nous amène au troisième degré dit «tahsini» qui est certes facultatif mais qui rend la vie plus agréable.