Nous avons donné, hier, un bref aperçu de l'évolution des sciences religieuses chez les musulmans, nous avons parlé du Coran et de la Tradition prophétique, nous aborderons aujourd'hui l'évolution du droit musulman, dit «fiqh» en langue arabe, il s'agit de l'ensemble des règles, s'inspirant du Coran et de la Tradition prophétique, qui régissent le culte et la morale. Du vivant du Prophète (QSSSL), les choses étaient on ne peut plus simples, c'était lui-même qui répondait aux interrogations des gens, qui réglait les litiges, et qui orientait la nation tant sur le plan religieux que mondain. Après sa mort, ses compagnons ayant conjugué, ce patrimoine, appelé désormais Tradition prophétique, au Coran, ont pu, grâce à un effort intellectuel et critique (ijtihad), résoudre des problèmes qui ne s'étaient jamais posés auparavant. Avec la nécessité de regrouper la Tradition prophétique, le deuxième et le troisième siècles de l'hégire ont vu l'émergence des premiers livres de droit musulman, c'était des recueils de hadiths et d'avis religieux émanant des grands compagnons du Prophète (QSSSL) ainsi que des grands savants de la générations des «tabi'îne», des livres comme «al mawatta'» rédigé par l'imam Malek, qui devint la référence de l'école du Hidjaz, dite «madraset ahl al hadith», qui est une école qui se réfère exclusivement à la Tradition du Prophète PBSL, ou bien les livres d'Abou Youcef, élève d'Abou Hanifa , qui constituèrent la base du savoir de l'école dite «madraset ahl al raï» en Irak, et qui est une école qui en plus de la Tradition prophétique donne une grande place à l'interprétation. Mais, parallèlement à cela, la nation musulmane ayant connu, moins d'un siècle après la mort du Prophète (QSSSL), une expansion jamais égalée dans l'histoire, les situations auxquelles elle se trouvait confrontée devenant de plus en plus complexes et de plus en plus diverses, il était plus que nécessaire que cette science, qu'est le droit musulman, connaisse, elle aussi, sa propre évolution, une évolution sensée la rendre plus accessible, et plus à même de s'adapter aux contingences du temps. On commença alors à définir de nouvelles sources d'inspiration faisant figure d'autorité légale telles que le consensus (ijmaâ) ou le raisonnement analogique (al qiyass), à faire des études comparatives entre les principales écoles juridiques : Hanafite, malékite, chafiîte et hembalite et à étudier les arguments de chacune de ces écoles, à édicter les règles fondamentales et les règles secondaires de droit dont s'inspirent ces écoles…. Et ce qui n'était que de simples recueils de hadiths et d'avis religieux, va donner naissance à une philosophie du droit, à des théories juridico religieuses, c'est alors que les prémices d'une nouvelle science commencent à apparaître, une science qui parallèlement au droit musulman, qui tente d'établir le bien-fondé des lois religieuses à partir du Coran et de la Tradition prophétique, va, elle, traiter du comment ces lois procèdent-elles de ces deux sources, et cette science s'appelle «îlm ousoul al fiqh» ou «fondements du droit musulman» dont le premier à apposer les bases n'est autre que l'imam Al Chafi'i, élève de l'imam Malek et mentor de l'imam Ahmed ibn Hanbel, dans son livre «Al Rissala». Si le droit musulman consiste en une connaissance des règles religieuses destinées à l'application, ce qui permet à un juge de statuer sur un cas ou à un jurisconsulte (mufti) de donner un avis religieux, une bonne connaissance des fondements de ce droit permet, en l'absence de textes, de définir ce qui est licite de ce qui ne l'est pas, quelque soit le type de problème qui se pose, et ce, en se s'inspirant essentiellement de l'esprit général de la loi divine. Il s'agit là de la discipline la plus sophistiquée et la plus complexe qu'un théologien puisse étudier. L'un des grands axes de cette science est qu'elle traite des vocations majeures de la loi divine, dites «maqasid al chariâ» en langue arabe, il s'agit d'une partie du droit canon musulman qui rejoint le concept du droit naturel et qui garantit à tout individu, qu'il soit musulman ou non musulman, un minimum de justice et de droits sans lesquels la vie n'aurait plus de sens. Et c'est cet aspect, oh quand bien négligé par nous, musulmans du XXIe siècle, que nous tenterons d'étudier tout au long de ce mois béni de Ramadhan. Après une étude approfondie du Coran et de la Tradition prophétique, les grands savants de cette nation ont conclu que la révélation divine vise, comme objectifs suprêmes, à préserver cinq éléments vitaux pour tout être humain : 1- Sa foi : Ce qui se traduit de nos jours par la liberté de culte. 2- Sa vie : C'est-à-dire son intégrité physique. 3- Sa raison : Ne serait-ce qu'en lui accordant le droit à l'instruction. 4- Ses biens matériels : La propriété étant sacrée dans la loi musulmane. 5- Et sa dignité : Car comme le stipule le Coran, Dieu a honoré les fils d'Adam et toute action pouvant porter atteinte à la dignité humaine irait à l'encontre de la volonté de Dieu. Ces éléments constituent la base de ce en quoi aspire tout être humain. (1) « îlm oçoul el fiqh » (fondements du droit musulman). Abdelwahab Khellaf, p11 - 17.