La presse nationale a été passée en revue, lors d'une table ronde, intitulée «Presse algérienne, état des lieux et perspectives», organisée jeudi soir à Alger à l'initiative du FFS. Les journalistes Amar Belhimer, Ali Djerri et Mohamed Iouanoughen ont, tour à tour, parlé des embûches auxquelles fait face la profession, en proposant des perspectives à même de lui permettre de se professionnaliser. M. Belhimer s'est appesanti sur une expertise d'autoévaluation de la presse nationale réalisée par des professeurs et des étudiants algériens, avec un système de notation allant de 1 à 5. «Cette enquête, a-t-il expliqué, a porté, entre autres, sur les normes constitutionnelles protégeant la liberté d'informer, l'indépendance et la visibilité dans les médias». D'emblée, il a noté un manque flagrant de diversité, soulignant la médiocrité et l'absence de transparence et d'indépendance des médias. Une note de 1,9/5, a-t-il dit, a été attribuée quant aux normes professionnelles, même si cette étude révèle que la presse nationale couvre tous les évènements. Toutefois, il a été constaté un manque manifeste de moyens, d'éthique, d'exactitude et d'impartialité dans le traitement de l'information. Autre grief : «Les patrons de journaux censurent les écrits compromettants pour ne pas s'exposer aux suspensions, au moment où les journalistes s'autocensurent pour éviter le licenciement», affirme-t-il. M. Belhimer a, sur un autre plan, mis l'accent sur l'intégration de journalistes qui, parfois, ne sont pas déclarés à la sécurité sociale et perçoivent des salaires «déplorables». Autre constat amer, l'absence de structures de formation. «A l'exception de deux titres, les autres publications ne disposent pas de structures de formation pour permettre aux journalistes de se perfectionner», précise-t-il. M. Belhimer a, par ailleurs, relevé le manque d'intérêt accordé à la syndicalisation. Il a indiqué que le taux ne dépasse pas 5 à 10%, expliquant cet état de fait par «les clivages des années 90». Une fois le tableau brossé et l'état des lieux fait, M. Belhimer a tracé, en guise de perspectives, neuf pistes. Il a, dans ce cadre, estimé nécessaire la restauration des autorités de régulation, le droit d'accès à la manne publicitaire, la liberté d'accéder au secteur de la diffusion pour instaurer l'égalité d'accès au marché. Il a également plaidé pour l'installation d'un comité d'éthique et, surtout, le pluralisme syndical qui est, à ses yeux, «dans un état pitoyable». Ali Djerri, ex-directeur d'El Khabar, a évoqué, de son côté, la relation presse-pouvoir. Contrairement à ses débuts, a-t-il constaté, la presse nationale a connu une nette régression ces dernières années, en raison de l'absence d'un cadre juridique. «C'est un constat de régression que je fais, parce que lorsque la presse n'influe pas dans la prise de décision, elle perd fatalement de sa crédibilité», a-t-il dit. Sans réelle volonté politique et le libre accès à l'information, la presse nationale, a-t-il estimé, ne sortira pas de sitôt de l'ornière. Enfin, Mohamed Iouanoughen, rédacteur en chef au journal Waqt El Djazair, a parlé de la difficulté de la création de nouveaux titres.