Photo : Fouad S. Depuis sa création en 2002, la brigade de lutte contre la drogue travaille d'arrache-pied pour arrêter les dealers, débusquer les consommateurs et démanteler les réseaux. Elle chapeaute cinq sûretés de daïra (Zéralda, Draria, Birtouta, Chéraga et Bouzaréah). A son actif, plusieurs barons de la drogue écroués. «Mais cela ne suffit pas, la lutte doit être permanente», estime le commissaire principal et chef de la division Ouest de la police judiciaire. Sur le terrain, le travail de cette police est très difficile. Les moyens manquent pour les arrêter notamment en flagrant délit. Car les dealers ne manquent pas d'imagination. Et rien ne les empêche pour écouler leurs produits prohibés. Leur dernière trouvaille, l'abandon de paquets, bien conditionnés de drogue en pleine mer qui seront par la suite récupérés par les petites embarcations. Et il se trouve que la police, spécialisée dans la lutte contre la drogue, n'a ni les moyens, ni les compétences pour les intercepter en mer. Lorsqu'un renseignement leur parvient, il est transmis à d'autres services plus compétents en la matière. Dans leurs investigations, ces policiers ont recours, parfois, à la brigade canine. Des chiens, notamment des chiens de bergers allemands, sont entraînés pour dénicher les caches de toute sorte de drogue. L'INGÉNIOSITÉ DES DEALERS Sur le terrain, les policiers sont confrontés à des astuces qu'ils n'apprennent ni dans leur formation ni dans les livres. C'est sur le terrain qu'ils se familiarisent avec les combines des dealers. A chaque opération et à chaque «prise», ils découvrent le «génie» des dealers. En 2007, un simulacre de cortège de mariée a servi pour le transport de 140 kilos de cannabis. La marchandise a été soigneusement dissimulée dans les fleurs. Agissant sur renseignements, les policiers ont bloqué le cortège sans la mariée, et démantelé tout un réseau de trafiquants. Un autre policier a découvert 100 grammes de «chira» dans le morceau de pain qu'un prévenu a reçus d'un membre de sa famille. La drogue était destinée à la vente en prison. Les boites aux lettres sont également utilisées par les revendeurs pour écouler leur produit. Un simple coup de fil et le morceau de «zetla» atterrit dans la boite aux lettres du client. Un autre dealer n'a pas trouvé mieux que de cacher quelques kilos de cannabis au domicile d'un imam. Lors de la perquisition effectuée dans son domicile, l'imam n'en revenait pas et ne savait pas comment le «paquet» a atterri chez lui. D'autres plus osés ne se gênent pas pour utiliser les serviettes hygiéniques de leurs compagnes pour passer des quantités considérables de drogue. Autre astuce : transporter dans un portable - à la place de la batterie - une plaquette de cannabis. «Le dealer fait d'abord semblant de téléphoner puis il tend son portable au client, celui-ci fait mine lui aussi de discuter au téléphone ensuite il vide le contenu et remet le portable au vendeur», précise un officier de la brigade de lutte contre la drogue. Même si son domaine d'intervention ne concerne que la région Ouest de la capitale, cette brigade travaille à l'échelle nationale et en étroite collaboration avec les autres secteurs qui activent dans le même domaine. S'il s'avère qu'une arrestation effectuée à Alger ait eu des ramifications en dehors de la capitale, le procureur donne une autorisation à la brigade pour poursuivre ses investigations ailleurs. Avec la gendarmerie nationale, il y a aussi des échanges d'informations avec la collaboration des officiers de police judiciaire de la gendarmerie. Des rapports et des synthèses sont transmis à la hiérarchie qui, à son tour, leur transmet les renseignements de chaque affaire. Même l'Office national de lutte contre la drogue (ONLCD) est associé via la hiérarchie dans toutes les affaires traitées. Cette conjugaison des efforts entre plusieurs partenaires a donné ses fruits. Les dealers trouvent de plus en plus de difficultés à activer. En outre, la loi 18- 04 du 25 décembre 2006 a revu à la hausse les peines d'emprisonnement. Pour 100 gr de kif saisis, l'accusé risque 20 ans de prison. En outre, le responsable de cette brigade est formel : «Quand un renseignement nous parvient, on s'arme de patience, le temps qu'il faut, jusqu'à ce que la personne ou le réseau tombe». DES CONSOMMATEURS DE 7 À 77 ANS De nos jours, la vente et la consommation de la drogue ne concernent pas uniquement une frange bien déterminée de la population. «Avec la crise économique, sécuritaire et sociologique, les valeurs morales se sont délitées», explique le premier responsable de cette brigade. Sinon comment expliquer qu'une dame âgée de 70 ans arrivée de Mostaganem, a été interceptée à la gare centrale avec 6 kg de kif, en 2007. Pour passer inaperçue, elle était accompagnée de son petit-fils âgé de 10 ans. Une autre jeune fille de 19 ans a été arrêtée, l'année dernière, en flagrant délit en train d'acheter une dose devant un lycée à Ain-Benian. Cette jeune fille a appris très tôt à fumer les mégots de haschichs laissés dans le cendrier de son oncle. L'accoutumance aidant a fait que cette jeune fille ne peut plus se passer de sa dose quotidienne. 6 mois de prison ferme ont été requis contre elle lorsqu'elle a été présentée devant le parquet et une cure de désintoxication lui a été recommandée. Cette autre épouse d'un dealer emprisonné se retrouve, elle aussi, derrière les barreaux pour avoir tenté de vendre 1 kg d'héroïne. Enceinte de plusieurs mois, elle a mis en danger sa grossesse pour écouler la «marchandise» avec son beau-frère, n'eut été la vigilance de cette brigade. En fait, toutes les couches sociales sont touchées. Pour quelques minutes d'euphorie, la personne se retrouve dans les abysses de la dépendance. Les statistiques recueillies au niveau de cette brigade sont éloquentes. Du début de l'année 2009 à la fin du mois de septembre, 993 personnes ont été arrêtées entre dealers, chefs de réseaux et consommateurs, dont 277 auteurs ont été mis sous mandat de dépôt. Une quantité de 57,265 kilos de résine de cannabis et 41 grammes d'héroïne a été saisie. Et pour la première fois, 3 comprimés de Subutex ont été récupérés. Ce comprimé, plus fort que le Ryvotril et le Diazépam, coûte la bagatelle de 5000 dinars. 6 bouteilles de drogue liquide ont été également saisies. «Deux gouttes dans un café à raison de 100 dinars suffisent pour que la personne «plane» quelques minutes», dira un des animateurs de cette brigade.